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L’étendue du contrôle du juge de l’excès de pouvoir

Dans sa note sous l’arrêt Boussuge du 29 novembre 1912, Maurice Hauriou écrivait à propos du recours pour excès de pouvoir (REP) : « Nous l’admirons encore de confiance, mais il est comme cette étoile temporaire des Gémeaux, que nous voyons dans le ciel, et dont l’exaltation lumineuse a peut-être disparu depuis déjà des centaines d’années, tellement elle est loin de nous. Nous l’admirons encore, et il n’est déjà plus ou, du moins, il n’est qu’une pièce de musée, un objet d’art délicat, un merveille de l’archéologie juridique. » Maurice Hauriou prédisait le déclin des REP. Il a eu tort. Certes, il est à présent concurrencé par les recours de plein contentieux, celui-ci pouvant apparaître plus utile pour le justiciable et aboutir à la réformation de l’acte attaqué. Pourtant, les REP existent toujours. Renforcé continuellement, l’étendue du contrôle du juge de l’excès de pouvoir a constamment muté. Face aux excès de l’administration, les REP constituent un encore véritable droit de défense pour les justiciables (CE Sect, 1944, Dame Veuve Trompier-Gravier). 

Selon une définition donnée par Gérard Cornu, le recours pour excès de pouvoir est un « recours contentieux tendant à l’annulation d’une décision administrative et fondé sur la violation par cette décision d’une règle de droit. » On peut ajouter que le REP est devenu un PGD et qu’il « est ouvert même sans texte et a pour effet d’assurer, conformément aux PGD, le respect de la légalité. » (CE, 1950, Ministre de l’agriculture c/ Dame Lamotte). Il s’agit donc d’un recours demandé au juge administratif, adressé au juge de l’excès de pouvoir. La présence du ministère d’avocat n’est pas obligatoire. Selon l’article R421-1 du Code de justice administrative, « La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. » Le juge administratif doit ainsi prononcer l’annulation d’un acte édicté par une personne morale de droit public, ou d’une personne morale qui s’est vu confier des prérogatives de puissance publique. En effet, les autorités administratives, dès lors qu’elles ne respectent pas les limites des normes juridiques, commettent un excès de pouvoir, par exemple, lorsque le gouvernement a permis la nomination d’inspecteurs généraux de l’administration (CE, 1995, Syndicat autonome des inspecteurs généraux et inspecteurs de l’administration). Les REP concernent aussi les refus, par exemple, lorsqu’un président d’une université a refusé l’inscription en première année d’un administré, ceci a constitué une erreur de droit (CE, 1990, Université Paris Dauphine). Il a également pu casser le refus des autorités d’annuler une délibération d’un conseil municipal (CE, 1915, Abbé Couvenhes). Ou encore, le juge administratif a annulé des décisions qui priveraient un requérant d’une aide juridictionnelle, en l’espèce, au bénéfice d’un préfet (CE, 1996, Bellakehal). Parfois, le juge de l’excès de pouvoir a rejeté des requêtes formulées par des autorités publiques, par exemple, s’agissant d’une demande le refus d’un report d'incorporation supplémentaire d’un an (CE, 1999, Ministre de la défense). Le terme « étendue » peut s’entendre comme l’importance, ou l’intensité, que le juge de l’excès de pouvoir exerce, lorsqu’il opère son contrôle de légalité. Enfin, on peut préciser que les REP s’opposent au recours de plein contentieux comprenant, par exemple, les recours en indemnisation. Aussi, les REP s’opposent aux procédures répressives, comme les contraventions de grande voirie. 

Avant qu’un REP puisse être formé, il faut d’abord qu’un intérêt à agir du requérant soit caractérisé. C’est le juge administratif qui vérifie la recevabilité de la requête : « L’intérêt à agir du requérant est libéralement interprété par le juge administratif. L’intérêt évoqué est jugé suffisant dès lors qu’il n’est pas lésé de façon exagérément incertaine ou indirecte. » La requête répond classiquement à trois critères : l’intérêt doit être direct, certain et actuel (CE, 1906, Syndicat des propriétaires et contribuables du quartier Croix-de-Seguey - Tivoli). Une fois déclaré recevable, le juge administratif examine le REP. Pour examiner la légalité de l’acte, le juge de l’excès de pouvoir examinera les moyens soulevés par le requérant. Soit il s’agira de moyens de légalité externe, c’est-à-dire l’ensemble des vices, des défauts qui affectent l’acte par rapport aux formalités et aux procédures imposées par la loi (les questions d’incompétence, vice de forme, vice de procédure…). Soit il s’agira de moyens de légalité interne, c’est-à-dire ceux concernant le contenu, le fond de l’acte administratif (erreur de droit, erreur de fait, détournement de pouvoir, l’erreur de qualification juridique de faits...). En principe, l’annulation de l’acte administratif examiné sera annulée de manière rétroactive. Précisons toutefois que le principe de rétroactivité a perdu de son caractère absolu, puisque le juge administratif peut moduler les effets d’une annulation contentieuse (CE, 2004, Association AC !). L’étendue de son contrôle permet de déterminer si l’acte en question est illégal ou non. Toute la difficulté réside en ce que l’étendu met en jeu la notion du pouvoir discrétionnaire de l’administration. Avec ce pouvoir discrétionnaire, l’administration dispose d’une certaine liberté, c’est-à-dire agir ou non, choisir telle décision ou une autre. À l’inverse, l'administration peut être liée par sa compétence, avec laquelle elle sera tenue d’agir dans un sens déterminé (CE Sect, 1999, Montaignac). Le problème est qu’il est difficile d’opérer une distinction tranchée des actes entre pouvoir discrétionnaire et compétence liée. En effet, la latitude d’action de l’administration dépend, non seulement des conditions fixées par les textes juridiques, mais aussi très largement de l’interprétation que donne le juge de l’excès de pouvoir, ainsi que des techniques de contrôle qu’il met en œuvre. Le présent devoir s’interessera aux limites et aux degrés du pouvoir discrétionnaire, tracés par une jurisprudence évolutive. 

Dans notre présente étude, il ne sera pas question d’examiner de fond en comble les moyens qui sont toujours susceptibles de vérification, soit la légalité externe et interne d’un acte. En revanche, sera étudié le contrôle du juge de l’excès de pouvoir des motifs de fait, susceptibles de variations. L’étendue du contrôle permettra de déterminer l’intensité du contrôle qu’opère le juge à l’égard des actes attaqués. S’interroger sur l’étendue du contrôle du juge de l’excès de pouvoir revient donc à poser la question de l’intensité à lui accorder. Reste que quelque soit la décision rendue par l’administration, elle est par principe toujours soumise au contrôle de légalité. C’est donc surtout au plan des motifs de fait qu’est posée la question de l’étendue du contrôle. Dans la perspective pour le juge de l’excès de pouvoir d’annuler ou non un acte administratif, il est à présenter l’intensité du contrôle des motifs de faits qui s’imposent à lui lorsqu’il examine un REP. 

L’étude de l’étendue du contrôle juge de l’excès de pouvoir se fera graduellement. Sera d’abord examiné le degré faible du contrôle du pouvoir discrétionnaire de l’administration (I), puis le degré fort du contrôle en cas de compétence liée de l’administration (II). 


I. Le degré faible du contrôle du pouvoir discrétionnaire de l’administration 

Historiquement, le contrôle du juge de l’excès de pouvoir pouvait être inexistant jusque dans les années 1970 (A). S’est développé ensuite depuis les années 1960 un contrôle dit « minimum » (B). 

A. L’absence de contrôle sur la qualification juridique des faits : le refus de contrôle total 

L’absence de contrôle sur l’opération de qualification juridique concernait une hypothèse fréquente jusque dans les années 1970. Depuis, cette hypothèse est moins employée par le juge administratif. Il s’agissait d’une qualification qui relevait du seul pouvoir discrétionnaire de l’administrateur. Si celui-ci avait respecté les règles de légalité interne et externe de l’acte, alors l’administrateur ne pouvait pas être sanctionné. Au contraire, l’administrateur avait une opportunité de lier les faits. En cela, la condition de son action administrative ne pouvait pas être susceptible d’être discutée en contentieux.

Jurisprudentiellement, c’était le ministre de l’Intérieur, et pas le juge de l’excès de pouvoir, qui disposait de toute la latitude, afin de déterminer si le comportement d’un étranger constituait une menace pour l’ordre public (CE, 1952, Meyer). Encore aujourd’hui, cette absence de contrôle se manifeste. Tel est le cas de la décision du président Mitterrand de faire fleurir la tombe du Maréchal Pétain (CE, 2000, Association Comité tous frère → cf. DM sur les AAU, concernant la justiciabilité des actes décisoires). Ce n’est pas la décision du Président de la République qui avait été contrôlée en tant que telle, mais la décision informelle qu’il avait prise, constituant un acte détachable. Tel est aussi le cas parfois concernant le droit de la Fonction publique. Le juge de l’excès de pouvoir s’est déjà montré réticent à se substituer à l’appréciation portée quant aux mérites des candidats (CE, 20 mars 1987, Gambus). Concrètement, le juge de l’excès de pouvoir évite de s’engager à vérifier des notes d’un examen. Ce contrôle serait inintéressant. Plutôt, l’idée est de donner une marge de manœuvre à l’administration. Celle-ci, et plus particulièrement le correcteur, qualifiera librement une mauvaise copie au regard du contenu de la copie. 

Il y a donc une absence de contrôle de l’adéquation. Aucun contrôle n’est opéré sur les choix décidés. Le juge de l’excès de pouvoir permet ainsi à l’administrateur de décider, en opportunité, d’agir et de ne pas agir. Cela donne un pouvoir immense aux autorités administratives, par exemple, le Président de la République peut décider librement d’amnistier une personne ou non, lorsqu’elle a commis des faits qui manquent à la probité (CE, 1986, Legrand). De surcroît, l’examen du REP peut porter non pas sur le principe de l’action, mais sur le contenu même de la décision. Tel a été le cas lorsque le juge administratif a refusé de s’interroger sur le choix fait par des organisations de la personne qui siègera au conseil économique et social (CE, 1986, Fédération Générale Agroalimentaire).

Des exceptions existent concernant l’absence de qualification. En effet, le juge administratif devrait être tenu à exercer son contrôle si le jury d’un examen sur fonde sur des critères étrangers aux mérites, tels que les opinions politiques (CE, 1988, Merlenghi), la pratique religieuse (CE, 10 avril 2009, E), ou encore l’aptitude physique (CE, 1991, Stickel). Ces exceptions tendent à montrer que le refus de contrôle total se réduit comme peau de chagrin. Ne serait-ce déjà au regard de l’historique jurisprudentiel, le juge de l’excès de pouvoir exerçait déjà depuis longtemps un contrôle de qualification juridique des faits (CE, 1914, Gomel). 

Il convient à présent d’examiner l’émergence du contrôle dit « minimum », résultat de la diminution de l'absence de contrôle sur la qualification juridique des faits tendait à diminuer.


B. Le contrôle dit « restreint » : l’erreur manifeste d’appréciation

Les expressions contrôle « restreint » et contrôle « minimum » sont communément employées dans un sens équivalent. Restreint, ce contrôle de qualification s’est développé à partir des années 1960 avec l’introduction de la notion de « l’erreur manifeste d’appréciation » (depuis CE Sect, 1961, Lagrange), dans des domaines qui relevaient jusque-là du seul pouvoir discrétionnaire de l’administrateur. Ce contrôle se caractérise par la vérification qu’aucune « erreur manifeste d’appréciation » n’ait été commise par l’administration (CE Ass, 1968 Société du lotissement de la plage de Pampelonne). 

Concrètement, le juge de l’excès de pouvoir va s’interroger sur l’opération de rapprochement entre les faits et la condition légale. Il ne retiendra toutefois que les « erreurs grossières ». N’a pas été retenu comme erreur grossière, par exemple, le cas d’un étranger non ressortissant de l’UE qui était expulsé. L’étranger en cause portait menace pour l’ordre public. Certes, la menace était discutable, mais elle était bien présente (CE, 1975, Pardov). 

Selon les cas, le juge de l’excès de pouvoir qualifie les faits ou le choix d’une décision, dès lors que plusieurs solutions sont possibles. Suivant l’analyse de Bertrand Seiler, il est possible, à la suite de l’arrêt Danthony (CE Ass, 2011, Danthony), de transposer à la légalité externe la logique de « l’erreur manifeste d’appréciation », utilisée dans le contrôle de la légalité interne. S’inscrivant dans un « processus ancien de neutralisation des illégalités externes », en raison de la marge d’erreur qu’offre depuis longtemps à l’administration l’identification des formalités non substantielles, l’arrêt Danthony officialiserait « un contrôle restreint de la légalité externe ».   

Depuis, le contrôle « minimum » s’est étendu à d’autres domaines, comme celui des nominations au tour extérieur de la HFP (CE Ass, 1988, Bléton), l’exercice du droit de retrait (CE, 16 décembre 2009, Ministre de la défense), l’exercice des mesures de haute police (CE, 1985, Mme Dagostini) ou encore les contrôles dans des domaines techniques (CE, 1986, Société Smanor).  

Concernant ce contrôle « restreint », il faut préciser que le mot « appréciation » ne doit pas être compris stricto sensu. En effet, ce contrôle peut soulever des questions délicates, lorsque le contrôle est opéré en cassation. Le Conseil d’État s’est refusé ainsi à vérifier le caractère de « l’erreur manifeste d’appréciation », même quand elle est manifeste. Au contraire, ce contrôle « minimum » est toujours réservé à l’appréciation souveraine du juge du fond (CE Sect, 1994, Société Clichy Dépannage). En dépit de sa généralisation, il y a donc des cas où le contrôle « restreint » n’est pas toujours exercé. C’est dire que le juge de l’excès de pouvoir s’en tient à un contrôle « minimum » au sens strict, en se limitant à vérifier l’exactitude matérielle des faits. Il l’a déjà fait en vérifiant l’appréciation des jurys d’examens et de concours sur la valeur des candidats (selon Bérénice Jallais dans « Les examens universitaires devant le juge administratif » de 2001), ce qui tend bien à montrer le déclin de l’absence de contrôle total sur la qualification juridique des faits.    

Le juge de l’excès de pouvoir peut tantôt exercer un contrôle faible, lorsqu’il est question du pouvoir discrétionnaire de l’administration. L’étendue de son contrôle s’intensifie, lorsque l’administration prend des actes en vertu d’une compétence liée. 


II. Le degré fort du contrôle en cas de compétence liée de l’administration

Lorsque l’administration prend un acte administratif en vertu d’une compétence liée, alors le juge de l’excès de pouvoir exercera un contrôle normal (A). Parfois, le juge administratif s’autorise à approfondir son contrôle normal et exercera un contrôle maximal (B). 

A. Le contrôle dit « normal » : l’erreur de qualification juridique

L’hypothèse la plus fréquente est que le juge de l’excès de pouvoir effectue un contrôle de qualification juridique des faits. C’est le résultat de la baisse du contrôle « restreint » dans certains domaines, comme l’abandon de ce contrôle pour les sanctions disciplinaires à l’encontre des agents publics (CE Sect, 1978, Lebon). Il n’y a certes pas de tableau général qui fixe les cas. Mais dans la lignée du développement du contentieux administratif, la tendance jurisprudentielle est plutôt au développement de ce contrôle qu’à sa limitation. Ce contrôle s’opère dès lors que l’administration est subordonnée à l’existence d’une compétence liée, dictée par un texte. De plus, il s’autorise à contrôler l’administration au-delà de la simple « erreur grossière ». 

Deux hypothèses sont à distinguer. La première hypothèse concerne le choix binaire s’offre à lui : le juge administratif admet ou refuse une autorisation. La deuxième hypothèse se produit quand le juge de l’excès de pouvoir à un choix plus ouvert : en ce cas, il va dissocier le contrôle de la qualification des faits, et la décision elle-même. L’étendue de ce contrôle pourra toujours évoluer dans le temps. 

Le contrôle « normal » est ancien. Il vérifie ainsi l’exactitude matérielle des faits (CE, 1916, Camino). L’évolution jurisprudentielle de ce contrôle peut être perçu comme tantôt plus favorable, tantôt défavorable pour l’administré. Par exemple, le Conseil d’État se refusait à l’origine de procéder à l’examen de la régularité de mesures de police des étrangers (CE, 1836, Naundorff). Puis il a basculé vers le contrôle de l’erreur manifeste de qualification (CE Ass, 1973, Librairie François Maspero). En l’espèce, il était question d’une publication en langue étrangère par un ministre. Enfin, il aura basculé vers le contrôle « normal » (CE, 1997, Association Ekin). En l’espèce, l’interdiction d’une revue a été jugée illégale, au regard de l’appréciation inexacte de la recherche d’équilibre entre ordre public et liberté. Désormais, le texte instituant cette police spéciale a été jugé incompatible, dans son ensemble, avec la Conv EDH. 

Ce contrôle s’est étendu à de nombreux domaines, comme pour les faits qui sont reprochés à un agent public (CE Ass, 1963, Teissier). Le juge de l’excès de pouvoir a même dû se demander si un film pouvait être qualifié de pornographique (CE, 2000, Association Promouvoir). 

Parfois, cependant, ce contrôle « normal » est défavorable, comme c’est le cas avec une jurisprudence déjà citée supra (CE, 16 décembre 2009, Ministre de la défense). En l’espèce, en raison de l’impact d’une telle situation sur la santé de l’agent, elle pourrait potentiellement légitimer le droit de retrait de celui-ci. Mais le Conseil d’État a jugé que le « stress intense » dont faisait état l’agent concerné, qui se disait objet d’agissements constitutifs de harcèlement moral ne le plaçait pas dans une situation de « danger grave et imminent ». La condition d’immédiateté du danger sur l’état de santé du fonctionnaire semblait donc difficile à justifier en matière de harcèlement pour légitimer le droit de retrait.

Après avoir vu le contrôle « restreint », il convient de présenter le contrôle « maximum ». 


B. Le contrôle dit « maximum » : le contrôle maximum d’adéquation

Ce contrôle « maximum » se rapproche du contrôle « normal ». Il prévoit aussi une qualification pleine et entière. Le juge de l’excès de pouvoir va sanctionner toute erreur de qualification juridique. Ce qui le différencie, c’est que le juge administratif approfondit le contrôle « normal », en recherchant si l’acte administratif pris par l’administration est proportionné aux faits. C’est donc un contrôle de proportionnalité (CE, 1933, Benjamin). Concrètement, une décision ne sera régulière qu’à la condition d’être véritablement proportionnée aux faits, c’est-à-dire à l’objectif visé. En ce cas, le juge de l’excès de pouvoir effectue un « bilan coût avantage » (CE Ass, 1971, « Ville Nouvelle Est »). En l’espèce, en matière de déclaration d’utilité publique (DUP), dans les procédures d’expropriation. Il cherche les avantages et les inconvénients de la DUP. Un bilan positif justifiera une mesure d'expropriation. En effet, le juge administratif n’admet une DUP que si « les atteintes à la propriété privée, le coût financier, les inconvénients d’ordre social, la mise en cause de la protection et de la valorisation de l’environnement, et l’atteinte éventuelle à d’autres intérêts publics qu’elle comporte ne sont pas excessifs eu égard à l’intérêt qu’elle porte » (CE, 2016, Fédération nationale des associations d’usagers des transports et autres). L’application de la notion « bilan coût avantage » s’est bien concrétisée dans la pratique jurisprudentielle, mais non sans limites. Tel a par exemple été le cas concernant un REP contre une DUP, dont l’intérêt était limité contre du trajet et des prévisions de trafic. Le juge administratif a jugé excessif le coût excessif de l’opération, mais n’a cependant pas retenu les atteintes à l’environnement (CE Ass, 1997, Association contre le projet de l’autoroute transchablaisienne et autres). C’est là une limite du contrôle « entier ». Même lui qui présente la forme de contrôle la plus forte n’aboutit pas toujours à considérer dans la globalité l’entièreté d’une affaire.  

Le contrôle maximum s’exerce notamment dans le domaine des mesures de police administrative. En temps normal, le juge administratif cherche à concilier la nécessité du maintien de l’ordre public et de la protection des droits et libertés. Dans le cadre d’un REP, cet objectif va conduire le juge de l’excès de pouvoir à analyser de manière très approfondie le bien-fondé des actes de police. Là intervient le contrôle « maximum ». Ce n’est pas seulement l’exactitude matérielle des faits qui l’intéresse (CE, 1916, Camino), mais bien la qualification juridique des faits, c’est-à-dire rechercher si la mesure de désordre est bien de nature à justifier la mesure de police. 

Précisions que ce contrôle de proportionnalité n’est pas synonyme de contrôle maximum, puisque le contrôle « restreint » de « l’erreur manifeste d’appréciation » constitue aussi un contrôle de proportionnalité. C’est pourquoi la frontière entre le contrôle du respect d’une règle supérieure, et l’appréciation de l’opportunité d’une décision, peut apparaître pour le moins étroite.  

Plus encore, le juge administratif a étendu son contrôle « maximum » en contrôle maximum d’adéquation. Il vérifie alors si le contenu de la mesure prise par l’administration est réellement en adéquation avec la condition légale. 

L'ordre public