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Conseil constitutionnel, décembre n°2018-773, Loi relative à la lutte contre la manipulation de l'information

​La présente décision du Conseil constitutionnel du 20 décembre 2018 porte sur la loi et loi organiques relatives à la lutte contre la manipulation de l’information. L’ancien ministre de la culture, François Nyssen, affirmait que le texte de cette proposition visait à « mieux faire respecter les règles existantes en les adaptant aux nouvelles réalités caractérisées par le poids croissant des réseaux sociaux, la viralité de l’information et le développement du sponsoring » lors de période électorale. A l’heure du numérique, cette loi visait à endiguer la diffusion de fausses informations pendant les périodes de campagnes électorales, telle que l’on a pu le constater par exemple lors des élections présidentielles américaines de 2016. En France, il semblerait que l’adoption d’une telle loi soit en corrélation avec le mouvement des Gilets Jaunes, lequel on lui a reproché de diffuser des fausses informations au sujet d’Emmanuel Macron. A cette occasion donc, la présente loi a remis en cause la notion de la liberté d’expression. Elle a suscité un débat d’intérêt général, notamment relancé par l’opposition parlementaire. 

        Cette loi, aussi appelée « loi fake news » ou « loi infox », a vocation à protéger la démocratie contre les diverses formes de diffusion intentionnelle de fausses nouvelles. Proposée par le groupe la République en Marche, la proposition de cette loi s’est inspirée des aménagements des dispositifs mis en place par ses homologues européens, comme par exemple les Anglais suite au scandale lié à l’affaire du détournement de suffrage du Cambridge Analytica. Loi controversée, il s’agit de lutter en période de campagnes électorales contre la diffusion et la manipulation de fausses informations sur les services de communication au public en ligne, luttant ainsi contre le détournement de suffrages, l’effectivité de la présomption d’innocence et la liberté de la presse, que nous n’avons cependant pas à traiter dans ce devoir. La loi a créé une nouvelle voie de référé civil visant à faire cesser la diffusion de fausses informations durant les trois mois précédant un scrutin national. Quand il est saisi, le juge des référés doit apprécier, sous 48 heures, si ces fausses informations sont diffusées « de manière artificielle ou automatisée » et « massive ». 

        La loi a été adoptée en lecture définitive par l’Assemblée nationale le 20 novembre 2018 et elle a été promulguée le 22 décembre 2018. Ce décalage s’explique par la saisine du Conseil constitutionnel entre-temps. Les requérants, issus du groupe les Républicains et de l’Union centriste, ont saisi le Conseil constitutionnel le 21 novembre 2018. Selon ces parlementaires, la loi porterait atteinte à la liberté d’expression et de communication qui ne serait pas nécessaire, adaptée et proportionnée. 

        Au niveau procédural, les requérants avaient contesté l’article 1er, 5, 6, 8, 11 et certaines dispositions de l’article 10 relatives à la loi relative à la lutte contre l’information. Cependant, le Conseil constitutionnel n’a examiné dans la présente décision que l’article 1er, 11 et 6 dans cet ordre. 

        La saisine des requérants a été rejetée par le Conseil constitutionnel. Dans la présente décision, le Conseil constitutionnel a en effet jugé conforme à la Constitution, sous plusieurs réserves d’interprétation, les articles L. 112 et L. 163-1 du code électoral, les deux derniers alinéas du paragraphe I de l’article 33-1, l’article 42-6 et le deuxième alinéa de l’article 42-10 de la loi n°86-1067 du 30 décembre 1986 relative à la liberté de communication. Le Conseil constitutionnel a également jugé conformes, sous réserves d’interprétation, l’article L. 162-2 du code électoral et l’article 33-1-1 de la loi du 30 septembre 1986. Le Conseil constitutionnel a précisé que le juge des référés ne pouvait faire cesser la diffusion d’une information que si le caractère inexact ou trompeur était manifeste et que le risque d’altération de la sincérité du scrutin était également manifeste. 

        La présente loi peut paraître de prime abord paradoxale : elle est instituée en vue de préserver la notion d’expression mais elle porte tout de même atteinte à celle-ci. Nombreux juristes ont critiqué une loi qui serait peu efficace et surtout dangereuse pour la liberté d’opinion. En outre, l’application de la loi se heurterait à des obstacles juridiques internationaux, notamment le RGPD relatif à la protection des données personnelles en vigueur depuis le 25 mai 2018, mais nous n’aborderons pas ces aspects. Certains craignent même des situations de censure préventive, allant à l’encontre des principes démocratiques français. S’ajoute également le problème des plates-formes numériques qui peuvent amplifier le problème de la diffusion des fausses informations. La loi a justement entendu remédier à cette problématique en enjoignant le CSA (Conseil supérieur de l’audiovisuel) de lui permettre d’empêcher, de suspendre ou d’interrompre la diffusion de services de télévision contrôlés par un Etat étranger ou sous l’influence de cet Etat, et qui porteraient atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation. Ainsi donc, dans ce contexte, le juge constitutionnel a dû examiner si l’objectif du législateur par l’adoption de la Loi relative à la lutte contre la manipulation de l’information est constitutionnel ou non. La question sous-jacente de notre étude est celle de savoir en quoi la lutte contre propagation de fausses informations à l’heure du numérique s’inscrit dans la préservation de la liberté d’expression. La loi sur la liberté de la presse du 29 juillet 1981 et ses dispositions s’avèrent inadaptées aux enjeux numériques actuels. Il convient dès lors de montrer le périmètre qu’a précisé le Conseil constitutionnel sur les informations visées. Partant, il convient aussi de définir les moyens d’actions que se sont vus attribués des acteurs institutionnels pour endiguer ce problème : le rôle qui leur est conféré doit s’analyser comme un garde-fou contre les abus de la liberté d’expression. 

        Dans ce devoir, il conviendra d’abord d’examiner l’applicabilité de l’article L. 163-2 relative à l’empêchement de la propagation de fausses informations (§1). Puis, il s’agira de s’attarder sur les articles 6 et 11 conférant des pouvoirs à des acteurs institutionnels en vue de parvenir à l’objectif de la présente loi (§2). 

§1. La validation constitutionnelle de l’article L. 163-2 : une disposition garantissant la sincérité des scrutins en période électorale 

        Dans la présente décision, le juge constitutionnel examine l’article 1er de la loi ordinaire, disposition qui entend lutter contre les fausses informations lors des campagnes électorales. Il conviendra de rappeler le fondement de l’article L. 163-2 du code électoral (A), puis en quoi cet article permettrait une protection accrue de la liberté d’expression (B). 

A. L’encadrement de l’article L. 163-2 du code électoral : une disposition luttant contre la diffusion de fausses informations 

        Il faut rappeler que l’article L. 163-2 du code électoral instaure une procédure de référé, ouverte au ministère public, à tout candidat, tout parti politique ou à toute personne ayant intérêt à agir, afin d’obtenir la cessation de la diffusion sur des services de communication au public en ligne de fausses informations. Le juge du tribunal de grande instance doit statuer en quarante-huit heures. Il est important de noter que le recours à cette procédure est triplement encadré. Il est rappelé que la procédure ne s’applique que pendant les trois mois qui précèdent le premier jour du mois d’élections générales et jusqu’à la date du tour de scrutin où celles-ci ont acquises. Ensuite, la demande de cessation de la diffusion ne peut porter que sur des « allégations ou informations inexactes ou trompeuses d’un fait de nature à altérer la sincérité du scrutin ». Enfin, la diffusion des fausses informations doit être « délibérée, artificielle ou automatisée et massive ». Ces trois dernières conditions sont cumulatives. 

        Au §11, les requérants soutiennent l’idée que l’article L. 163-2 du code électoral n’est pas nécessaire, car « plusieurs dispositions législatives permettraient déjà d’atteindre l’objectif poursuivi par le législateur ». Or, il faut analyser la légifération comme un moyen, pour le législateur, de renforcer l’encadrement de la liberté d’expression. L’article instaure précisément « une procédure de référé permettant d’obtenir [...] la cessation de la diffusion de fausses informations [...] ». Et le Conseil constitutionnel rejette l’idée avancée par les requérants qu’un « risque d’instrumentalisation » soit fait de la procédure. Le Conseil constitutionnel s’illustre comme juge de droit, en rejetant cet argument d’ordre politique. 

        S’il est vrai que le Conseil constitutionnel se soucie de protéger la liberté d’expression, il est toutefois prêt à en restreindre son caractère absolu. Le juge constitutionnel fonde ainsi sa protection constitutionnelle avec l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, qui affirme le principe de la liberté d’expression, « sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi », cité au §14. Autrement dit, la liberté d’expression est encadrée légalement pour des considérations « d’ordre public et aux droits des tiers ». Et le législateur est fondé à intervenir pour faire cesser les abus de la liberté d’expression. A cet égard, le Conseil constitutionnel rappelle que le législateur a, en vertu de l’article 34 de la Constitution, le droit d’édicter des normes restreignant la liberté de communication. La présente décision n’a rien de nouveau, car il a déjà été retenu dans une décision de 1984 que le fondement de la liberté d’expression et de communication, de parler, écrire et imprimer, constituait « une liberté fondamentale, d’autant plus précieuse que son exercice est l’une des garanties essentielles du respect des autres droits et libertés et de la souveraineté nationale ». 

        Le §15 montre l’enjeu nouveau qui s’est présenté au juge constitutionnel : il a en effet dû se positionner sur la liberté d’expression quant aux « développement généralisé [des] services ». De surcroît, il rappelle aussi que la liberté d’expression est une « condition de la démocratie ». Le juge constitutionnel a fait apparaître la place particulière qu’occupent les services de communication au public en ligne dans notre société, notamment « pour la participation à la vie démocratique ». Le juge constitutionnel rappelle que les conditions du triple test de proportionnalité sont remplies, donc que les atteintes portées par l’article L. 163-2 se justifient et elles vont dans le sens de l’objectif poursuivi. Derrière les lignes du Conseil constitutionnel, il faut y voir la nécessité de réprimer les fausses informations car précisément, ces répressions permettraient de préserver la démocratie et donc, « les autres droits et libertés ». 

        Au §16, il est intéressant de voir la clarification et l’explication faite pour la première fois par le juge constitutionnel. En effet, auparavant, le rattachement du principe de sincérité du scrutin ou du suffrage à l’article 3 de la Constitution n’était qu’indirecte. Cet article 3 dispose que « Le suffrage peut être direct ou indirect dans les conditions prévues par la Constitution. Il est toujours universel, égal et secret ». Cette déduction implicite résultait d’une jurisprudence de 2013. C’est cette exigence constitutionnelle qui permet précisément au législateur de la concilier avec la liberté d’expression et de communication, comme rappelé au §17. 


        Nous avons vu que l’article L. 163-2 du code électoral permettait de lutter contre la diffusion de fausses informations. A présent, il convient d’examiner en quoi cette disposition renforce la protection de la liberté d’expression. 


B. Une protection renforcée de la liberté d’expression dans le cadre des campagnes électorales : des conditions d’applicabilité strictes de l’article L. 163-2 

        La légifération de l’article L. 163-2 du code électoral a surtout vocation à assurer la sincérité des scrutins généraux. En instaurant la procédure de référé contestée, il est explicité au §18 que le législateur a voulu « lutter contre le risque que les citoyens soient trompés ou manipulés dans l’existence de leur vote par la diffusion massive [d’informations] sur des services de communication [...] en ligne ». Il est de son objectif d’assurer à chaque électeur de voter librement, sans altération de jugement. Le juge constitutionnel a jugé que la procédure est bien justifiée par les objectifs de respect du principe de sincérité du scrutin et de clarté du débat électoral. Toutefois, on peut critiquer le fait que le délai du référé peut paraître trop court pour que le juge puisse contrôler la vérifiabilité de l’information contestée. Par ailleurs, la loi institue une grande marge d’appréciation au juge des référés, or on peut aussi se demander si cela outrepasse le cadre judiciaire et que son pouvoir devienne politique. Le secrétaire national du Syndicat Charmoillaux soutient cette critique des requérants, en disant que « Cela va faire du juge l’arbitre du débat politique, sur des critères particulièrement flous ». Cependant, au §24, le Conseil constitutionnel a contesté l’argument politique avancé par les requérants : celui du risque d’un mésusage de la procédure. Le juge déclaré « qu’une telle éventualité ne saurait suffire à entacher celui-ci d’inconstitutionnalité ». Ce qui montre qu’il reste bien juge de droit. 

        Au §19, il est bien rappelé par le Conseil constitutionnel que la procédure relative à l’article 163-2 du code électoral est limitée dans le temps. Il s’agit en fait des garanties encadrant la procédure de référé. Cela s'appliquerait pour « la période de campagne électorale qui débute trois mois avant le premier jour du mois précédant des élections générales ou un référendum et s’achève à la date du tour du scrutin [...] ». Pour des considérations d’ordre public, le Conseil constitutionnel admet la cessation de la diffusion de fausses informations. Pour autant, cette atteinte n’est pas disproportionnée, car la procédure n’est pas illimitée dans le temps. De surcroît, le §20 rappelle que l’article en question ne concerne que « les contenus publiés sur des services de communication au public en ligne ». L’argumentaire des requérants est rejeté, car la liberté d’expression dans son ensemble n’apparaît pas avoir été menacée. La loi remplit également la condition de nécessité au vu de l’objectif poursuivi. Comme il est indiqué dans les conclusions : « Ces deux éléments [développés au §19 et au §20] renforçaient la cohérence et la nécessité du dispositif proposé, dans la mesure où ils montraient bien que la procédure de référé était strictement bornée à des contenus particulièrement vulnérables et pour le seul temps où cette vulnérabilité était susceptible d’avoir des conséquences directes sur le scrutin en cours ». 

        Au §21, il est constatable que le législateur a lui-même bien conscience de la nécessité d’encadrer strictement l’article L. 163-2. L’article ne concerne pas les « allégations ou imputations ne recouvrent ni les opinions, ni les parodies, ni les inexactitudes partielles ou les simples exagérations, ce dont craignaient les requérants. Cela montre que quand bien même la liberté d’expression se voit restreinte, il ne s’agit pas de la liberté d’expression dans sa globalité, mais uniquement des informations « dont il est possible de démontrer la fausseté de manière objective ». On en déduit donc que la procédure de référé ne concerne pas des contenus qui prêteraient d’une discussion ou relevant d’une appréciation subjective. De surcroît, le législateur rajoute les conditions cumulatives des caractères artificiel ou automatisé, massive et délibéré, restreignant là encore les cas d’application de l’article L. 163-2. Il est interdit au juge de déduire une des conditions de des deux autres, ce qui montre là encore un encadrement strict de la disposition. 

        Au §22, le Conseil constitutionnel est bien conscient des enjeux de la liberté d’expression dans le débat politique. Il se doute bien que la procédure de référé peut être utilisée à mauvais escient, pour des cas douteux, où la fausseté de l’information ou les conséquences de la diffusion l’information n’apparaitraient pas nettement. Il concède ainsi que la censure porterait atteinte à la liberté d’expression. C’est pour cela qu’il explicite au §23 que, sous la forme de deux réserves d’interprétation, l’application de l’article L. 163-2 n’est applicable que si le caractère inexact ou trompeur des informations est manifeste, de même que pour le risque d’altération de la sincérité du scrutin. Il s’agit bien là d’un encadrement strict d’une restriction prévue par le législateur. 

        Enfin, au §25, le juge constitutionnel écarte l’argument des requérants portant sur l’imprécision de la loi. La définition des fakes news est en effet quelque peu lacunaire. En effet, on peut se questionner sur ce que constitue ou non un « élément vérifiable ». Et la proposition de la loi est justement silencieuse à ce sujet. Pour appliquer correctement la loi, le législateur enjoint le juge des référés de prononcer les mesures les moins attentatoires à la liberté d’expression. On peut critiquer le fait qu’il s’agisse cependant d’une volonté du législateur bien plus difficile à suivre : le juge des référés a peut-être en effet tout intérêt à prononcer la mesure qui porterait le plus atteinte à la liberté d’expression, en vue de sauvegarder l’ordre public. Réprimer plus durement aurait, selon nous, un effet dissuasif pour les lanceurs de mauvaises informations. 

        Dans cette première partie, il a été question de voir la finalité de la Loi relative à la lutte contre la manipulation de l’information. Au §26, le juge constitutionnel a déclaré l’article L. 163-2 du code électoral conforme à la Constitution. A présent, il s’agit de voir que dans la suite de notre présente décision, des acteurs institutionnels se sont vus accorder des prérogatives leur permettant de lutter contre la diffusion de fausses informations. En bref, la décision nous amène à nous interroger sur l’applicabilité de la présente loi dans la pratique. 



§2. L’octroi de pouvoirs de suspensions à des acteurs institutionnels : des garde-fous contre les atteintes à la liberté d’expression

A lui seul, le législateur ne saura mettre en œuvre la présente loi. C’est pourquoi il a prévu dans sa législation l’octroi de pouvoirs à des acteurs institutionnels qui jouent un rôle de contrôle. D’une part, la Loi relative à la lutte contre la manipulation de l’information confère des nouvelles compétences au CSA pour lutter contre la diffusion de fausses informations. Il obtient en effet le pouvoir de faire cesser la diffusion sur le territoire français d’une chaîne de télévision étrangère soupçonnée de manipulation (A). D’autre part, la loi a incombé aux opérateurs de plateforme en ligne de poursuivre également le même objectif (B). Il est à noter que bon nombre d’arguments que l’on verra infra par le juge constitutionnel sont les mêmes que pour l’article L. 163-2. 

A. Les nouveaux pouvoirs du CSA définis par l’article 6 au CSA en vue de lutter contre les fausses informations diffusées par un service de radio et de télévision étranger conventionné 

        Au §44, il est rappelé que l’article 6 de la loi déférée insérant le nouvel article 33-1-1 permet au CSA en période électorale de suspendre « jusqu’à la fin des opérations de vote » la diffusion d’un service de radio ou de télévision qui a fait l’objet d’une convention conclue avec une personne morale contrôlée par un Etat étranger. Il faut que le CSA constate que ce service « diffuse de façon délibérée, de fausses informations de nature à altérer la sincérité du scrutin ». Au §45, l’argumentaire des requérants est centré sur la « décision de suspension [qui doit] s’étendre sur une longue période ». Le Conseil constitutionnel y répond au §50. Il faut noter qu’aux §49 et au §51, le juge constitutionnel va au-delà des moyens soutenus par les requérants : il précise le sens de l’article 6 et donc l’encadrement des mesures de suspension. Le juge constitutionnel a caractérisé l’intention du législateur. 

        Le §49 reprend la même idée que celle développée au §23 : il s’agit de lutter contre le risque d’altération de la sincérité du scrutin. Il est par ailleurs précisé qu’il peut s’agir de fausses informations en provenance d’Etat étranger ou placés sous influence. L’édiction d’une telle disposition a pour objectif d’assurer le principe de la démocratie. Le §50 montre là encore que le législateur encadre le pouvoir de suspension dans le temps. En effet, la mesure de suspension ne peut intervenir que dans des conditions précises précédant les opérations électorales. « Le pouvoir de suspension ne peut intervenir que pendant les trois mois précédant le premier jour du mois de l’élection du Président de la République [...] ». Il reprend la même logique argumentative développée au § 19. De plus, le Conseil constitutionnel indique que, contrairement à ce qu’ont soutenu les requérants, les élections partielles étaient exclues des élections sénatoriales, de même que les élections partielles étaient exclues des élections législatives. 

        S’agissant des comportements qui justifient les mesures de suspension, la notion de fausse information correspond aux allégations ou imputations inexactes telles que définies à l’article L. 163-2 ou au §21 vues supra. Il est donc rappelé là encore que le risque d’altération du scrutin doit être manifeste pour que soit applicable la loi relative à la lutte contre la manipulation de l’information. Seule chose qui diffère : « Le Conseil constitutionnel n’a pas estimé qu’il conviendrait de réintroduire, comme pour la procédure de référé, l’exigence d’une diffusion massive dès lors que le propre des services de télévision et de radio est en principe de s’adresser à des audiences larges ». 

        Nous avons vu les raisons pour lesquelles le juge constitutionnel a déclaré l’article 6 conforme à la Constitution. A présent, il convient d’analyser en quoi les opérateurs sont tenus à un devoir de coopération en vue de lutter contre la diffusion de fausses informations.  


B. L’institution d’un devoir de coopération incombant aux opérateurs de plateforme en ligne par l’article 11 en vue de lutter contre les fausses informations 

        Le législateur s’est montré innovant en définissant de nouvelles obligations pour les plateformes numériques de fournir une information loyale, claire et transparente des informations diffusées. 

        Au §83, il est énoncé le sens de l’article 11. Il met à la charge aux opérateurs de plateforme visées par l’article L. 163-1 du code électoral en ligne, la mission d’une part de « mettre en place un dispositif permettant à leurs usagers de signaler des fausses informations », d’autre part de « mettre en œuvre des mesures complémentaires » instituant des algorithmes de contrôle ou visant à lutter « contre les comptes propageant de fausses informations ». La présente loi doit être mise en relation avec le développement massif des moyens de communication sur internet. 

        Au §84, les requérants soutiennent que l’idée de fausses informations pourrait galvauder la protection de la notion de liberté d’expression. « [...] Pour ne pas être accusés de manquer à leurs obligations », les opérateurs retiendraient, selon les requérants, une conception large de la notion de fausses informations. Les requérants ont été jusqu’à employer le terme de « liberticide » pour amplifier la gravité de leur requête. Aussi, les requérants reprochaient à ces dispositions de méconnaître la liberté d’entreprendre, le « droit à l’information » ainsi que les objectifs de valeur constitutionnelle d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi et du pluralisme des courants de pensée et d’opinion. 

        Au §85, la disposition est, encore une fois, justifiée au nom de l’ordre public et pour éviter l’altération des scrutins électoraux. Il s’agit en effet de prévenir les atteintes à l’ordre public et à assurer la clarté du débat électoral ainsi que le respect du principe de sincérité du scrutin. Au §86, le juge constitutionnel rappelle que l’idée de fausses est entendue comme celles visant des allégations ou imputations inexactes ou trompeuses d’un fait telle que définie au §21 vu supra. 
        Au §87, il est énuméré les mesures permettant de lutter contre la diffusion de fausses informations. Le juge constitutionnel rappelle que les mesures prises ne portent pas atteinte à la notion de liberté d’expression : il s’agit des mesures d’information, de transparence ou de signalement de contenus litigieux. De surcroît, le Conseil constitutionnel indique que toutefois, s’agissant des « mesures complémentaires », celles-ci feront l’objet du triple test de proportionnalité par le juge des référés. Ce qui signifie que la loi ne rend pas insusceptibles toutes les mesures. La condition de proportionnalité renforce là encore l’encadrement strict des dispositions de la Loi relative à la lutte contre la manipulation de l’information. Ainsi, le Conseil constitutionnel a déclaré l’article 11 conforme à la Constitution.

Le juge administratif et la hiérarchie des normes