Sujet : Quelles limites à l'action de l'État ?
Selon Maurice Hauriou (1856-1929), « L’ordre social est ce qui nous sépare de la catastrophe ». Cette citation reste pertinente au XXIe siècle. L’État ne le garantit pas toujours. La régression continue de certaines libertés individuelles commande à l’Administration d’être un constant rempart contre leurs violations. Si cela ne constitue pas un problème pour les États autoritaires, c’est en revanche le cas pour l’État français qui fait partie des États libéraux. Pour assurer la continuité de l’État, l’Administration se doit de tout mettre en œuvre pour satisfaire les besoins de la population et de facto en garantissant l’intérêt général de la société. Mais garant également de l’ordre social, l’action de l’État se voit ainsi fortement limitée.
Forme élaborée de la vie commune d’une société humaine, l’État correspond à la personne morale qui représente une nation à l’intérieur ou à l’extérieur d’un territoire délimité par des frontières. L’État désigne un « pouvoir institutionnalisé » selon le juriste George Burdeau. Les politiques publiques concernent divers domaines tels que l’éducation, l’aménagement du territoire, la transposition du droit de l’Union européenne en droit interne, la défense du territoire contre la menace terroriste ou encore la lutte contre les inégalités et la pauvreté. En outre, l’État comprend une population. Population qui inclut les citoyens et les étrangers. Elle est caractérisée par une culture commune, parle en principe la même langue et a plus ou moins une homogénéité ethnique.
Si l’action de la puissance publique se heurte à des limites, de nombreuses réformes se sont succédées pour réformer l’appareil d’État. L’État continuera continuellement à se moderniser, et notamment à la vue des enjeux du XXIe siècle comme le dérèglement climatique, la menace terroriste ou la résurgence des idéologies anti-républicaines. Toutefois, ces menaces pourraient 1 aussi être perçues comme une opportunité puisque les autres acteurs ne font guère mieux. Les agents économiques ne sont pas tous rationnels comme l’a démontré le prix Nobel Jean Tirole. Les ONG n’ont pas la même légitimité que l’État pour imposer leurs vues. Toute la problématique réside dans la capacité à surpasser les limites qui se présentent à l’État. Ainsi, même s’il doit relever de nombreux défis, l’État reste l’un des meilleurs agents pour réguler la vie en société. Le présent devoir s’intéressera essentiellement à l’État français.
Face aux enjeux de l’ère contemporaine, il est possible de se demander quelles sont les limites à l’action de l’État. Et, par la même occasion, il s’agira de présenter les moyens dont disposent l’État français pour garantir la bonne administration de la vie en société.
Contestée, la forme d’organisation qu’est l’État apparaît toujours être un rempart efficace aux problématiques du XXIe siècle. Assurant toujours ses fonctions originelles, l’État garantit l’ordre social dans la société (I). Progressivement, au XXe siècle, l’État a élargi ses compétences en basculant de l’État légal à un État-providence, ce qui a nettement renforcé sa mission de procurer encore un nombre conséquent de prestations à ses citoyens (II).
I. De la difficulté à garantir l’ordre social avec le développement continu des idées libérales
Si la puissance publique délimite juridiquement le périmètre de l’État de droit (A), elle est ainsi habilitée à préserver l’ordre social en vertu de ses fonctions régaliennes (B).
A. L’encadrement juridique de l’État : une garantie à la sauvegarde de l’État de droit ?
1. De la nécessité à réformer l’organisation de l’Administration territoriale de l’État
● Organisant l’aménagement de l’organisation de la nation comme en témoigne la loi du 6 février 1992 dite ATR, l’État français est à la fois un État déconcentré et décentralisé. Face au mille-feuille administratif, l’Administration française a esquissé des réformes de rationalisation.
● Les limites de l’action de la puissance publique réside en la capacité à offrir ses service à l’ensemble du territoire tout en prenant en compte les particularismes. La France se divise en six espaces, rendant l’action de l’État délicate : les métropoles, les zones désindustrialisées, les zones rurales, les zones entre métropoles et campagnes, les DOM-TOM et les banlieues.
- Exemples d’une difficulté territoriale : Si l’État central reste l’arbitre de grandes réformes telles que la décision de construire l’aéroport à Notre dame des Landes, cet épisode s’est traduit par une forte contestation donc une certaine atteinte à la légitimité de l’État.
- Exemple d’une solutions envisageable mais proposé à l’échelon décentralisé : Car la décentralisation a l'avantage majeur de mieux répondre aux enjeux locaux. Par exemple, le député du Bas-Rhin Sylvain Waserman a remis un rapport sur le transfrontalier franco-allemand, notamment pour améliorer les liens entre Kehl et Strasbourg.
2. La contestation des démocraties libérales
● Contestée par les régimes autoritaires et les populistes, il n’en demeure pas moins que la démocratie fonctionne.
- La démocratie s’est renforcée avec le référendum de 1962 qui désormais fait élire le Président de la République au suffrage universel direct. Pourtant, le taux d’abstention reste très élevé. C’est une à l’action de l’État qui souffre d’une légitimité démocratique.
- Des mécanismes renforcent la démocratie représentative. Cet même article 3 mentionne la possibilité de faire des référendums. Or, la pratique référendaire est rare. Le dernier remonte à 2005 pour l’adoption du traité établissant une Constitution pour l’Europe.
● La démocratie doit d’autant plus se méfier de la montée des discours démagoguesavec des fake news, des mouvances anti-républicains comme les groupes terroristes, des communautarismes qui contreviennent à l’indivisibilité de la nation, dans une certaine mesure les populismes, etc.
● En période de crise, le PDR peut intervenir. Un homme providentiel permettrait de résoudre les problèmes. Il peut activer l’article 16 pour concentrer le pouvoir exécutif et législatif. Néanmoins, au bout de 60 jours, le Conseil constitutionnel peut y mettre fin si aucune raison ne persiste aux circonstances exceptionnelles. L’extension de ces pouvoirs est limitée et donc l’action de l’État ne peut pas se baser sur l’impulsion d’une seule personne.
B. Les fonctions régaliennes de l’État : une garantie à la préservation de l’ordre social ?
1. Le constant besoin du maintien de la sécurité intérieure et extérieure
● L’État doit assurer l'ordre public général. Il s’agit de faire régner l’ordre dans le pays. Selon l’expression de Max Weber, l’État a le « monopole de la violence physique légitime ». Mais l’action de l’État se heurte à la préservation des libertés individuelles et des droits de l’Homme. Le Défenseur des droits qui est une autorité administrative indépendante protège tout individu contre les excès des forces de l’ordre.
● Les forces de l'ordre évitent que des agissements de groupes politiques portentatteinteaux intérêts de l’État. La difficulté pour l’État est de les identifier. Il ne peut pas les poursuivre de manière préventive sinon il irait à l’encontre de l’État de droit.
- Des minorités de groupuscules d’extrêmes gauches, tels que les anarchistes ou les nihilistes, tentent encore de renverser l’État.
- Du côté de l’extrême droite, la montée des nationalismes récuremment couplée de discours démagogues et souvent islamophobes, inquiète les pouvoirs centraux. Récemment, le porte-parole du Gouvernement Gabriele Attal a envisagé la dissolution du groupe Génération identitaire.
- La menace terroriste est en rupture totale avec les idéaux républicains. Elle frappe partout, à tout instant. La population est en demande d’un risque zéro mais impossible à atteindre.
2. L’État de droit : une véritable garantie d’une bonne administration de la justice ?
● Bon nombre de nations ont opté pour le modèle de l’État de droit. Tel fut le cas en France depuis une révision constitutionnelle du 1974.
- Si chaque citoyen est égal devant la loi (Art. 6 DDHC), les justiciables les plus aisés parviennent parfois à échapper à la justice.
- La légalité est garantie par un contrôle a priori des juridictions. Et depuis la révision constitutionnelle du 23 mars 2008 par un contrôle a posteriori avec l’introduction du mécanisme de la QPC. Il s’agit notamment d’éviter les abus des lois d’exceptions. Or, l’action de l’État peut être entravé par le rôle prépondérant des juges. C’est ce que tend à illustrer la théorie du Gouvernement des juges. Non exempt de critiques, le modèle de l'État-providence doit sans cesse se réinventer face aux problèmes politiques et sociaux contemporains.
II. Les défis de la gouvernance de l'État-providence dans le cadre de la mondialisation
Si l’État-providence a déjà fait ses preuves à de maintes reprises pour assurer la pérennité de la nation (A), il convient toutefois de mettre en sa nécessité à se réinventer et à s’adapter aux nouveaux enjeux contemporains (B).
A. L’interventionnisme accru de l’État-providence en matière économique et sociale
1. La remise en cause de la pensée keynésienne jugée inefficace et la résurgence des règles néolibérales en matière monétaire et budgétaire
● Depuis les années 1970, l’État-providence est en crise. Les politiques keynésiennes ont été critiquées pour leur incapacité à résorber le chômage. Globalement, depuis quelques années, l’Administration s’est empreinte des idées néo-libérales. En parlant de « performance » de l’action publique, la LOLF fait désormais place à un usage rationnel des dépenses publiques pour répondre aux exigences de l’UE. Le Traité de Maastricht de 1992 a dégagé des critères de convergence. C’est une limite juridique à l’action de l’État. Le déficit public ne doit pas dépasser 3% du PIB et la dette publique excéder 60% du PIB.
● Corollaire du dogme libéral, l’Administration connaît une privatisation de son mode de fonctionnement. Le désengagement de se traduit ainsi par une nouvelle forme de gestion empruntée à la culture d’entreprise, appelée new public management. Cette doctrine obéit aux trois E : Économie, Efficacité et Efficience de l’action publique. Là encore, il s’agit d’une limite à la présence de la puissance publique.
● Le dogme néo-libéral empêche de renouveler les méthodes pour l’État de traiter la pauvreté.
- Au lieu d’utiliser le PIB, l’IDH développé par Sen serait plus fidèle à la réalité de la pauvreté d’un pays en prenant en compte l’espérance de vie, l’accès à l’éducation et le PIB par habitant. La limite de la puissance publique est de ne pas avoir adopté les mesures préconisées par la Commission Stiglitz de 2009.
2. Une garantie d’une justice sociale pour les citoyens ?
● L’ensemble des minimas sociaux ont pour but de redistribuer les richesses. Il s’agit par exemple du chômage partiel ou du RSA. Le modèle continental gagnerait à s’inspirer des modèles scandinaves qui réduisent le nombre global des pauvres. La limite de l’action de l’État réside dans l'illisibilité du système fiscal. Par souci d’efficacité, d’aucuns proposent un regroupement des aides en un seul revenu universel d'activité.
● Au niveau de l’éducation, les étudiants français ont un score moyen d’après sondage Pisa de 2018 en occupant la 20ème place. Par souci d’équité, la création de classe de 12 enfants dans les REP a vocation à soutenir les élèves en difficultés scolaires. Mesure qui est cependant impossible à généraliser sur tout le territoire en raison de son coût.
● Les enseignants sont à tort mal considérés. C’est une limite à l’action de l’État car cela va avoir des répercussions sur les générations futures.
- Leur traitement est faible par rapport aux pays voisins.
- Certains décrient un nivellement vers le bas du recrutement des enseignants. Or, la qualité de recrutement reste globalement sélective. L’agrégation pour devenir Professeur des universités est l’un des concours les plus difficiles de France. L’on assiste depuis quelques années à une baisse du nombre de postes.
B. L’adaptabilité de l’État-providence aux enjeux contemporains
1. L’intégration de l’État stratège dans la mondialisation économique
● L’État est stratège au sens où il développe continuellement sa diplomatie économique.
- Les États-membres de l’UE bénéficient du marché intérieur. Les avantages sont nombreux : abaissement des droits de douanes, libre circulation des biens, capitaux et personnes, utilisation d’une monnaie commune. Ils bénéficient aussi du soft power de l’UE qui base son rayonnement sur l’exemplarité de son modèle économique.
- Cependant, l’organisation sui generis est concurrencée par d’autres États-nations. Par exemple, l’hégémonie de la Russie s’explique par son contrôle des matières premières pour lesquelles des États-membres en sont dépendants.
- Certains États contestent même l’efficacité du modèle européen. Outre la future sortie du Royaume-Uni, d’autres menaces pèsent comme l’émergence des partis d’extrême-droite de Viktor Horban ou de Matteo Salvini, partis qui remettent en cause les valeurs fondamentales de l’UE en refusant l’accueil des migrants.
2. L’adaptabilité de l’État stratège aux mutations du droit positif
● Signataire de la CEDH, l’Administration se doit d’assurer le principe du contradictoire et l’égalité des armes aux justiciables (Art. 6 CEDH - droit à un procès équitable). C’est une limite juridique du droit européen.
● La question qui peut se poser pour la puissance publique est celle de savoir si elle est encore aujourd’hui détentrice de sa souveraineté. Certes, selon l’expression de Georg Jellinek, l’État a la « compétence de la compétence ». Certains auteurs affirment que leur appartenance à l’Union européenne traduit un renoncement de leur souveraineté. Pour d’autres internationalistes, il s’agirait d’un acte de souveraineté puisque les États ont formellement accepté l’UE.
● L’ensemble des traités de droit international n’ont pas tous tant d’effets coercitifs. Par
exemple, l’article 4 de la Charte des NU qui prohibe pourtant le recours à la force armée
n’a pas empêché des États à justifier l’intervention en Irak en 2003 au motif d’une règle
coutumière à user de la légitime défense préventive. Le discours de Dominique de Villepin
n’a pas empêché l’intervention. Une des limites de la puissance publique est le rapport de
force qu’elle entretient avec les autres États.