L’article 1 de la Constitution dispose que « [la France] assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion ». Par ses mots, la Constitution admet que l’égalité est un idéal à atteindre. En pratique, tel n’est pas le cas encore partout sur le territoire. Par exemple, en 2019, Marlène Schiappa avait promis 1 milliard d’euros pour assurer l’égalité entre les femmes et les hommes. Elle part de l’idée que l’égalité n’est pas un idéal inatteignable. On peut dès lors admettre que le principe d’égalité doit connaître des aménagements, afin qu’il devienne atteignable.
Un idéal peut se définir comme un modèle à atteindre, qui donnerait une entière satisfaction. Ainsi, l’idéal permet de tendre à une situation parfaite. A l’inverse, inatteignable signifie qu’une chose ne peut pas être atteinte. Les buts sont inaccessibles. Par exemple, les êtres humains n’ont pas encore la capacité d’aller sur Pluton physiquement. L’égalité est un principe majeur qui s’est imposé en France. C’est une liberté fondamentale qui fait l’objet d’un encadrement spécifique. L’égalité signifie que tout être humain doit être traité de manière identique. Cela signifie que la loi ne peut pas consacrer de privilèges aux individus.
Or, l’égalité, posée en tant qu’idéal, ne va pas de soi. C’est une situation qui apparaît même inatteignable, et c’est toujours le cas parfois dans la pratique. Par exemple, il y a des écarts de salaire entre les femmes et les hommes. Face à ces problèmes majeurs, le principe d’égalité a été élevé au plus haut de la hiérarchie des normes. L’égalité est devenue ainsi un principe majeur en France, il est par exemple présent dans la DDHC de 1789. Des lois ont permis de se rapprocher de l’égalité. Par exemple, quand la loi affirme l’égalité entre les femmes et les hommes, l’égalité interdit toute discrimination basée sur le sexe. En revanche, parmi les fractures territoriales, les inégalités entre Paris et les zones rurales subsistent. D’apparence, le principe d’égalité apparaît inatteignable. Pour résoudre ce problème, on peut mettre en place des politiques équitables. En effet, l’équité permet de se rapprocher de l’égalité. Ainsi, on peut tirer plusieurs enseignements. D’abord, l’égalité est un idéal qui semble parfois inatteignable. Mais l’égalité devient atteignable dès qu’elle est consacrée juridiquement, et qu’on met en place des politiques, afin que l’égalité soit effective dans la pratique.
On peut alors se demander comment on peut respecter le principe d’égalité, sans nier le fait que cela risque d’être difficile de l’appliquer pour toutes les situations, voire impossible dans certains cas. Est-ce que l’égalité est réellement un idéal inatteignable ?
Dans une première partie, nous allons voir que le principe d’égalité semble parfois d’apparence inatteignable (I). Cependant, dans une deuxième partie, il s’agira de montrer que l’égalité est une situation atteignable avec de la volonté politique (II).
I. L’égalité semble parfois être un principe d’apparence inatteignable
Dans l’absolu, l’égalité semble être un principe d’apparence inatteignable. D’une part, le fait que des inégalités subsistent tend à montrer que l’égalité n’est pas totalement effective (A). D’autre part, il est étonnant de constater que certains traitements dérogatoires permettent d’atteindre des situations égales (B).
A. La persistance d’inégalités démontre que l’égalité n’est pas un principe encore totalement atteint dans la pratique
D’une part, l’égalité devant la loi semble ne parfois pas être respectée. Dans certains cas, l’égalité des citoyens devant la loi n’est pas totale. Tel est le cas en matière environnementale. La Charte de l’environnement existe depuis 2004, mais le référendum pour inscrire la cause climatique dans la Constitution démontre une certaine désuétude de la Charte. Elle existe déjà, alors pourquoi consacrer un autre outil juridique ? Peut-être parce qu’elle n’est pas efficace, car elle n’aurait pas empêché certaines entreprises de déroger aux accords de la COP21. Cela montre que l’égalité est un idéal, mais inatteignable dans certaines situations. En outre, le principe d’égalité n’est parfois même pas consacré. Cela peut se justifier, parfois non. Avec l’exemple des animaux, on voit que l’égalité est un idéal inatteignable. En effet, ils ne sont pas reconnus comme des sujets de droit. Pour certains, cela se justifie par le fait que par essence même, le droit à la vie n’est pas possible avec les espèces animales, car certaines espèces doivent en manger d’autres pour survivre.
D’autre part, quand bien même l’Etat reconnaît que l’égalité doit être un idéal à atteindre, il n’y arrive pas toujours. En matière éducative, c’est une critique qui émane du sociologue Pierre Bourdieu. Dans son ouvrage La reproduction (1970), l’auteur défend l’idée que l’école serait inégalitaire, au point d’exercer un « pouvoir de violence symbolique ». Les élèves issus de familles aisées ont des codes, du capital culturel et économique, mettent en place des stratégies pour réussir. Par exemple, des parents inscrivent leurs enfants dans des écoles privées pour avoir une « meilleure éducation ». Or, cela contrevient à l’idée de l’école républicaine prônée par Jules Ferry, c’est-à-dire notamment une école gratuite et unique pour tous les citoyens.
Mais la thèse de Pierre Bourdieu peut être contestée, de par l’existence de concours administratifs qui, dans son ADN même, revêt une dimension égalitaire. Dans le secteur privé, il est vrai que des situations de pistonnages sont plus fréquentes. En revanche, dans la Fonction publique, le principe d’égalité est davantage respecté, grâce au système de concours. Ils sont anonymes. Ils ont permis à des fonctionnaires de s’élever socialement, comme par exemple les hussards noirs. Le système des concours n’est pas parfait. Il subsiste des inégalités de faits, comme par exemple le fait qu’une majorité d’énarques ne provient pas de milieux populaires. Il reste que la critique bourdieusienne n’a rien d'absolu.
Après avoir montré que certaines inégalités perdurent, il s’agira à présent de montrer que certains traitements dérogatoires peuvent étonnamment se justifier au nom de l’égalité.
B. Paradoxalement, certains traitements inégalitaires peuvent même parfois se justifier pour atteindre l’égalité des autres
Il y a des situations où peu de personne s’offusque des traitements inégalitaires, afin d’atteindre un objectif. C’est le cas en matière de terrorisme. Les démocraties libérales ont adopté des lois d’exception, qui sont dérogatoires au droit commun. L’objectif est de répondre à l’exigence de la population, ce qui légitime des politiques publiques sécuritaires. Ainsi, les terroristes sont discriminés, ils peuvent être arrêtés en amont s’ils sont suspectés de préparer un acte terroriste. En ce sens, l’égalité des terroristes n’est pas atteinte. Celle des citoyens l’est, car ils sont tous protégés par l’Etat.
En revanche, l’Etat pense être légitime et recourt parfois à des traitements inégalitaires afin d’atteindre un objectif, mais cela est contesté par les citoyens. Par exemple, c’est ce que tend à démontrer la courbe de Kuznets. Au départ, les inégalités vont favoriser la croissance pour ceux qui épargnent et investissent le plus. C’est ce qu’on appelle la malédiction de Kuznets. Dans cette situation que l’Etat pense être de bonne foi. La situation est bénéfique à certains, mais pas à tous. L’égalité n’est alors pas atteinte. L’Etat se rend donc compte par la suite que ce n’est pas une situation idéale. Pourquoi ? A cause de la demande constante de justice sociale par les citoyens.
Pour rendre l’égalité idéalement atteignable, l’Etat met en place des politiques publiques de redistribution. Pour lutter contre la pauvreté, on peut par exemple envisager la mise en place d’un revenu universel d’activité. Il permettra de rendre le système fiscal plus lisible pour les citoyens. Cela permet une situation plus égale, car certains citoyens pourront désormais recourir aux minimas sociaux, alors qu’ils n’étaient pas au courant avant.
Toutefois, l’égalité parfaite n’existe pas. C’est un idéal qui est inatteignable selon les valeurs qu’on adopte. Effectivement, dans un système communiste, l’égalité de tous s’impose (encore que les dirigeants bénéficient de privilèges). Dans nos sociétés occidentales, l’égalité absolue n’est pas souhaitée par tous. Par exemple, les personnes homosexuelles se sont vu reconnaître le droit au mariage en 2013. Or, à l’époque, les manifestants de la Manif pour tous, au nom d’une certaine vision de l’égalité, récusent cette avancée. De même pour la reconnaissance du droit à l’IVG en 1975, des parlementaires ne souhaitaient pas le consacrer au nom du droit à la vie de la Convention européenne des droits de l’Homme.
Dans un premier temps, on a vu que l’égalité semblait être un principe inatteignable. Mais il ne faut pas être pessimiste. En effet, avec de la volonté politique, le principe d’égalité peut réellement être un objectif atteint, ou à défaut, un idéal presque atteignable.
II. Le principe d’égalité de tous les individus est atteignable avec de la volonté politique
Avec de la volonté politique, le principe d’égalité de tous les individus semble atteignable. D’une part, il doit être consacré juridiquement et être mise en œuvre dans la pratique (A). D’autre part, quand bien même il serait inatteignable, le fait d’essayer d’appliquer le principe permet au moins de s’en rapprocher (B).
A. Le principe d’égalité doit devenir l’objectif à atteindre juridiquement et dans la vie quotidienne
L’égalité doit être consacrée juridiquement. Le principe sera forcément davantage respecté s’il est juridiquement écrit sur le papier. C’est la différence des systèmes de Common law qui accordent une place prépondérante à la coutume. Sur le papier, il n’y a pas d’excuses pour dire qu’on ne savait pas. Par exemple, l’égalité est inscrite dans l’article 6 de la DDHC, permettant à chaque citoyen de concourir aux emplois publics. Contrevenir à la loi, c’est s’exposer au contentieux de la Cour de Cassation, du Conseil d’Etat et du Conseil constitutionnel. En outre, aujourd’hui, l’égalité apparaît d’autant plus atteignable. En effet, le mécanisme de la QPC, introduit par une révision constitutionnelle de 2008, permet aux citoyens de demander un contrôle a posteriori. L’Etat de droit s’est renforcé et réaffirme ainsi la liberté fondamentale qu’est l’égalité.
Dans certains domaines, l’égalité n’allait pas de soi. Pour qu’il soit atteignable, l’Etat doit la consacrer. Tel est le cas en matière d’égalité femmes et hommes. Des différences de traitement peuvent être justifiées au nom d’un motif d’intérêt général. D’une part, l’égalité tend à réparer des injustices. Certaines femmes ont demandé la mise en place de la parité. Au début, la parité a été refusée par le Conseil constitutionnel en 1982, car contraire à la Constitution. Ce n’est qu’en 1999 qu’une décision a obligé chaque liste d’assurer la parité entre candidats féminins et masculins. D’autre part, l’égalité est utilisée pour améliorer l’efficience des services publics. Au nom de l’égalité des territoires, on utilise l’équité pour rendre certains territoires plus attractifs. Par exemple, pour le tourisme, il faut favoriser et investir dans certains territoires. Cela permettra à des zones d’être désenclavées.
Dans la pratique, la société civile est parfois porteuse de nouvelles revendications d’égalité. C’est ainsi que le mouvement Black Live Matters réclame une égalité de traitement des personnes de couleur noires, face aux opérations de police. Récemment, Assa Traoré a été élue personnalité de l’année par le journal Time. Les personnes d’origine étrangères réclament une égalité dans pans de la société. Des discriminations à l’embauche existent à cause de leur appartenance ethnique. C’est ce qu’a démontré la méthode du testing. Avec deux CV aux mêmes compétences, mais à cause d’une différence d’origine éthnique, les personnes de couleurs ont moins de chances d’être embauchés. Ainsi, on voit que l’égalité est loin d’être un idéal inatteignable. S’il n’existe pas, il faut alors le rechercher et le créer.
Nous avons vu que l’égalité peut être assurée grâce à de la volonté politique, que ce soit sur le plan juridique et dans la pratique. C’est donc un idéal atteignable. Même si cela n’est pas toujours vrai, nous allons voir qu’à défaut de l’atteindre, cela permet au moins de s’en rapprocher.
B. Si on peut admettre que le principe d’égalité est parfois un idéal inatteignable, le fait d’essayer de l’appliquer permet au mois de s’en rapprocher
Ce qui différencie les Etats libéraux des Etats totalitaires, c’est son système démocratique. En effet, dans une démocratie, l’égalité est un rêve, un objectif à atteindre. Grâce au suffrage universel direct, les représentants expriment la volonté du peuple. Il existe même une exception pour les personnes étrangères qui peuvent s’exprimer lors des élections municipales. S'ajoutent à cela des outils de démocratie participative, qui sont un ensemble de procédures permettant aux citoyens de participer à la prise de décision politique.
Il est vrai que toutes les décisions politiques ne sont pas parfois respectées, ou ne permettent pas d’aboutir à l’égalité. Cependant, il existe des juridictions qui permettent de traduire des responsables politiques dans certaines situations, quand ils n’ont pas respecté leurs droits et obligations. Les ministres peuvent être jugés devant la Cour de justice de la République. Par exemple, l’affaire Charles Pasqua a été jugée en 2010 s’agissant d’un de ses détournements de fonds d’une société. Cela montre que même bénéficiant d’immunité fonctionnelle lors de l’exercice de leurs mandats, le personnel politique est soumis lui-aussi à la loi. Ainsi, le principe d’égalité est respecté. La mise en place de juridictions particulières permet de rectifier le tir du droit commun, lequel n’est pas toujours le plus approprié.
Au niveau européen, on peut voir que l’égalité est aussi un idéal. Le rêve européen est toujours de vigueur. Dans les faits, la pétition européenne est par exemple un outil qui permet aux citoyens de soumettre une question au Parlement européen. La condition est qu’il faut au moins 1 million de signataires. C’est beaucoup, et c’est pourquoi l’initiative européenne est très peu utilisée. Ainsi, l’égalité apparaît certes inatteignable, mais le fait d’y tendre fait qu’on s’y rapproche. Il y a donc des exceptions. Par exemple, en 2012, les citoyens ont réussi à lancer une pétition demandant l’accès égal à l’eau pour tous les individus. Il est intéressant de voir qu’un outil juridique permet la mise en place d’autres situations d'égalité.
En définitive, l’égalité est un principe souhaitable. Il est difficile à mettre en œuvre, mais
atteignable. De rares exceptions font qu’il est dans l’absolu et par essence inatteignable.