« Le Défenseur des droits : un quatrième pouvoir ? ».
Issu de la société civile, le sexagénaire Jean-Claude Collot a été nommé en qualité de délégué du Défenseur des droits le 1er juin 2020. Selon lui, « le Défenseur des droits est une véritable institution, dont la France a la chance de bénéficier » et souhaite que « personne ne soit privé de ses droits à Mortagne et dans le Perche ». Institution peu connue encore du grand public, le délégué du Défenseur des droits rappelle le poids de cette autorité administrative indépendante (AAI) qui peut être saisie pour, par exemple, « Une personne handicapée qui se voit refuser l’accès à un commerce avec son chien, une femme de ménage licenciée parce qu’elle est tombée enceinte, une discrimination à l’embauche, un permis de construire qui traîne à être délivré, une demande d’asile perdue... ». Le Défenseur des droits apparaît, à ses dires, être un véritable contre pouvoir à l’Administration.
Aujourd’hui, l’importance du contrôle de l’administration s’est accrue. L’avènement de l’Etat providence a démultiplié les interventions étatiques et in fine les risques d’abus. Et en même temps, la tendance contemporaine est à la reconnaissance continue des droits individuels et à la volonté de l’Etat de les défendre contre l’arbitraire. En clair, il s’agit de défendre les droits individuels contre les excès de la puissance publique. Cette lutte contre l’arbitraire a été consacrée dans la DDHC de 1789, en disposant que la résistance à l’oppression était l’un des « droits naturels et imprescriptibles de l’Homme ». Le 23 juillet 2008, le législateur avait prévu la création du Défenseur des droits. Une loi organique et une loi ordinaire du 29 mars 2011 ont achevé la concrétisation de cette AAI.
Parmi l’ensemble des autorités administratives indépendantes créées par le législateur, beaucoup ont une mission de l’Administration. Le Défenseur des droits en fait partie. En 2011, le Défenseur des droits a été le résultat de la réunion de quatre AAI. Il s’agit du Médiateur de la République, le Défenseur des enfants, la Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations et pour l’Egalité (HALDE) et la Commission Nationale de Déontologie de la Sécurité (CNDS). Environ 250 personnes travaillent au siège du Défenseur des droits à Paris, et près de 500 délégués sont répartis en France métropolitaine et en Outre-mer.
Déjà en 2008, le Défenseur des droits avait obtenu une consécration constitutionnelle. Il a été ajouté à la Constitution l’article 71-1 au titre XI bis intitulé « Le défenseur des droits », qui dispose que le Défenseur des droits « veille au respect des droits et libertés par les administrations de l’Etat, les collectivités territoriales, les établissements publics, ainsi que par tout organisme investi d’une mission de service public, ou à l’égard duquel la loi organique lui attribue des compétences ». Toutefois, le Conseil constitutionnel a précisé qu’en « érigeant le défenseur en « autorité constitutionnelle indépendante », l’article 2 de la loi organique du 29 mars 2011 (...) n’a pas pour effet de faire figurer le défenseur des droits au nombre des pouvoirs publics constitutionnels ». Il n’est pas un pouvoir public constitutionnel, le Conseil constitutionnel refuse pour l’instant l’éventuelle constitutionnalisation des AAI.
Le Défenseur des droits s’est vu confier deux missions. Il s’agit d’une part de la défense des personnes dont les droits ne sont pas respectés, d’autre part de garantir l’égalité de tous dans l’accès aux droits. Selon Jacques Toubon, ancien Défenseur des droits de 2014 à 2020, l’AAI joue un double rôle qui est « sismographique de la demande sociale, révélateur des craquements, des fractures d’un peuple écartelé entre la planète et le village ; alarme, porte-voix, témoin soucieux du délin des droits fondamentaux et leur inégale effectivité ». L’institution du Défenseur des droits est une réelle avancée pour le justiciable qui se sentirait lésé dans ses droits. Selon l’article 5 de la loi organique de 2011, toute personne physique ou toute personne morale peut saisir le Défenseur des droits directement et gratuitement selon l’article 6 dans plusieurs hypothèses. L’article 8 prévoit aussi la saisine d’office, c’est-à-dire l'auto-saisine. Selon l’article 4 de la loi organique de 2011, le Défenseur des droits peut être saisi quand un justiciable se sentirait discriminé ; ensuite lorsqu’il constate qu’un représentant de l’ordre public ou privé n’a pas respecté leurs règles de conduite ; lorsque le justiciable a des difficultés dans ses relations avec un service public tel que la Caisse d’Allocations Familiales ; enfin lorsque les droits d’un enfant ne sont pas respectés.
Quant au quatrième pouvoir, il pourrait se définir comme un quatrième pouvoir, complémentaire aux pouvoirs exécutifs, législatifs et judiciaires. Dans la doctrine, l’expression quatrième pouvoir est parfois utilisée pour désigner l’institution qu’est le pouvoir médiatique. Si aujourd’hui, le quatrième pouvoir n’a pas reçu une consécration constitutionnelle, dans la pratique toutefois, le Défenseur des droits présente quelques caractéristiques d’un quatrième pouvoir. Il oppose la sphère publique et la société civile. Concrètement, ce contre-pouvoir s'exerçerait par l’ensemble des moyens de communication. Le quatrième pouvoir comprend donc la presse et les médias. Au sens lato sensu, le quatrième pouvoir peut s’entendre comme un autre pouvoir en concurrence avec les trois autres pouvoirs : exécutif, législatif et judiciaire. Ce devoir retiendra ces deux définitions.
Toute AAI comprend des membres de la société civile. Le Défenseur des droits est donc censé être indépendant. De prime abord, comme toute AAI, l’institution du Défenseur des droits peut être perçue comme une auto-limitation du pouvoir exécutif. L’AAI a pour but d’intervenir en cas de dysfonctionnements des services publics échappant normalement au contrôle juridictionnel ou lorsque l’action administrative, même régulière, conduisait à l’injustice. Dès lors, le Défenseur des droits apparaîtrait comme un quatrième pouvoir pour rééquilibrer les insuffisances de la conception classique de la séparation des pouvoirs.
Mais s’il a été reconnu le caractère d’AAI au Défenseur des droits, dans la pratique toutefois, cet organisme interroge, comme toute AAI, quant à une éventuelle atteinte au principe de la séparation des pouvoirs. La fusion des quatre institutions spécialisées préexistantes au sein d’une seule même AAI devait se traduire par la préservation de la spécificité des missions qu’elles assuraient, mais il subsiste un doute quant à la perte d’efficacité du Défenseur des droits. C’est à en croire que cette autolimitation du pouvoir exécutif, voulue par la puissance publique, n’a pas été menée jusqu’au bout. L’institution du Défenseur des droits, en tant que véritable quatrième pouvoir, n’aurait donc pas été totale ? Il se peut en effet que la puissance publique n'ait pas intérêt à créer un organisme trop puissant qui pourrait la remettre trop aisément en cause. Or, le quatrième pouvoir, en tant que pouvoir médiatique (et cela a été déjà dégagé par l’analyse de droits comparés, Etats-Unis en partie), serait bien influant et paralyserait l’action de l’Administration. L’action du Défenseur des droits serait volontairement limitée.
Certes, aucun quatrième pouvoir n’a été reconnu constitutionnellement. Mais dans la pratique, des AAI telles que le Défenseur des droits ont pu apparaître comme des contre pouvoirs, et notamment au pouvoir exécutif. D’aucuns évoquent même l’émergence d’un quatrième pouvoir. Si le Défenseur des droits a été conçu originellement en tant que contre-pouvoir, il est alors possible de se demander si le Défenseur des droits est véritablement un quatrième pouvoir.
Si, dans la pratique, le Défenseur des droits s’apparente sur de nombreux points à un quatrième pouvoir (I), il faudra toutefois présenter les limites juridiques à l’exercice d’un contre-pouvoir total par le Défenseur des droits (II).
I. La situation de fait : l’institution du Défenseur des droits comme quatrième pouvoir face aux dérives arbitraires de l’Administration
Émergeant comme un quatrième pouvoir dans la pratique, mais non reconnu comme une autorité constitutionnelle, le Défenseur des droits exerce un contrôle rigoureux face à dérives que peut commettre l’Administration à l’égard des administrés (A). L’AAI a acquis des avancées statutaires, qui laissent présager l’émergence d’un quatrième pouvoir fort et véritable contre-pouvoir du pouvoir exécutif (B).
A. La nécessité de recourir au Défenseur des droits, en qualité d’autorité médiatique, à l'aube d’une régression continue des droits et des libertés fondamentales
- Le Défenseur des droits constitue un véritable quatrième pouvoir, car il est détaché du pouvoir exécutif. Les intérêts de l’administration s’éloignent de cette AAI puisque le Défenseur des droits a pour mission de « défendre les droits et libertés » contre les atteintes de la puissance publique elle-même, et non simplement de corriger les dysfonctionnements de l’administration.
- Le Défenseur des droits se réfère ainsi à de nombreux textes protégeant les droits fondamentaux. Il s’agit par exemple de la DUDH de 1948. Or, aujourd’hui, ces textes peinent encore à s’imposer entièrement dans le droit positif français.
- Pire, lorsque l’Etat français agit, celui-ci va parfois à l’encontre de la préservation de ces droits. A l'aube d’une régression observable des droits, le Défenseur des droits apparaît être un acteur central de leur protection. Un rapport a mis, par exemple, en exergue que les mesures sécuritaires de l’état d’urgence ont fragilisé l’Etat de droit ainsi que les droits et libertés. Concrètement, la violation des droits s’est concrétisée par des incriminations visant des actes préparatoires. Or, ces mesures ont brouillé la distinction entre police administrative, tournée vers la prévention, et police judiciaire, orientée vers la répression. Autre exemple, lors de la crise des Gilets Jaunes, la liberté de manifester, pourtant principe fondamental reconnu par les lois de la République (PFRLR), à été réduite. Bon nombre d’interpélations ont inquiété le Défenseur des droits, qui uno, s’inscrivent dans la continuité de l’état d’urgence, et secundo, paraissent illégale au regard de la CESDH.
- S’agissant de ses pouvoirs, le Défenseur des droits peut « formuler des recommandations, engager des actions de communication ou d’information, rechercher la résolution à l’amiable de différends, proposer une transaction, notamment en matière de discrimination, ou saisir l’autorité compétente pour engager des poursuites disciplinaires ou pénales » (consid. 14). Véritable pouvoir médiatique en faveur des administrés, Jacques Toubon rappelle que « le Défenseur des droits ne se contente pas d’observer, il prévient, aux deux sens de prévenir : empêcher d’advenir et avertir ». Le titre III du rapport annuel d’activité de 2018 est consacré à la promotion de ces droits. Il s’agit de mieux former aux droits et mieux faire connaître les droits aux administrés. Concrètement, cela passe par la mise en place de formations initiales ou continues, qui ont pour objectif de sensibiliser des citoyens dans leur activité professionnelle.
- Le Défenseur des droits est présent sur tout le territoire national. Dans la continuité de la décentralisation, l’article 37 de la loi organique de 2011 permet au Défenseur des droits de recourir à des délégués pour assurer la continuité de son action et de « désigner, sur l’ensemble du territoire, des délégués, placés sous son autorité, qui peuvent, dans leur ressort géographique, instruire des réclamations et participer au règlement des difficultés signalées ainsi qu’aux actions [d’information et de communication conduites par l’institution] (...) ». En outre, il a le pouvoir de rendre des rapports publics, de sorte à interpeller les citoyens sur les dysfonctionnements et menaces des certains services publics.
- Cette promotion se fait également à l’international, ce qui peut être un moyen de pression des autres pays à l’égard de la France. Cette pression est d’autant plus forte que la France est perçue comme le pays des droits de l’Homme dans le monde. Plusieurs conventions et partenariats sont formés. Le Défenseur des droits travaille avec des réseaux européens, francophones et méditerranéens, se préoccupe des analyses des organisations européennes et internationales.
- A noter que la protection de ces droits concerne parfois aussi les étrangers.
- Le titre II du rapport annuel d’activité de 2018 consacre cinq domaines de la compétence du Défenseur des droits. Le titre II énumère l’ensemble des droits qui doivent être protégés. Il s’agit de la défense des droits de l’enfant, de la lutte contre les discriminations, de la défense des droits des usagers des services publics, de la déontologie de la sécurité, et même de la protection et l’orientation des lanceurs d’alerte. Le Défenseur des droits s’est fixé comme priorité la défense de ces droits.
La nécessité pour le Défenseur des droits de protéger les droits et libertés fondamentales s’accompagne par l’octroi de prérogatives, prérogatives qui dans une certaine mesure lui confère un véritable magistère moral, au point d’en faire un quatrième pouvoir.
B. Quelques acquis statutaires de l’AAI : le Défenseur des droits en voie de devenir un quatrième pouvoir suprême
- En 2011, le Défenseur des droits a été reconnu comme une autorité administrative indépendante et in fine son caractère d’indépendance. Le Conseil constitutionnel a fait une lecture « déconstructive » de la loi organique de 2011 en écrivant que le défenseur, alors que la loi l’érige en une « autorité constitutionnelle indépendante », constitue en réalité une « autorité administrative dont l’indépendance trouve son fondement dans la Constitution ; que cette disposition n’a pas pour effet de faire figurer le défenseur des droits au nombre des pouvoirs publics constitutionnels (considérant 5) ».
- Selon le Conseil constitutionnel, la qualité « d’autorité constitutionnel » n’est réservée qu’aux organes et institutions qui supposent une véritable séparation des pouvoirs. Il s’agit de l’Assemblée nationale, le Sénat, le Conseil constitutionnel, la Haute Cour de justice et la Cour de justice de la République. A contrario, cela laisse supposer que le Défenseur des droits ne connaît pas une stricte séparation des pouvoirs. Faut-il y voir une confusion des pouvoirs ? Ou la présence d’un quatrième pouvoir ?
- Ainsi, l’indépendance du Défenseur des droits est vérifiée du point de vue organique et fonctionnel. Sur le plan méthodologique, il faut noter que cette reconnaissance s’est opérée par déduction, non d’une volonté franche du juge : « La qualité d’autorité administrative est conférée au Défenseur des droits, à défaut semble-t-il d’une qualification plus pertinente puisqu’il ne peut être caractérisé ni comme un pouvoir public ni comme une autorité judiciaire ».
- Le Défenseur des droits est également irrévocable. Il ne peut être mis fin à ses fonctions qu’en cas d’empêchement constaté dans les conditions prévues par décret. Il est soumis à un régime d’incompatibilité et d'inéligibilité strict c’est-à-dire qu’il ne peut pas cumuler de mandat électif : « Ses fonctions sont incompatibles avec celles de membre du Gouvernement et de membre du Parlement » (al.4). Il exerce ainsi son mandat à temps plein. Il n’y a donc pas de conflits d’intérêts, à l’instar d’autres AAI ayant en leur sein un commissaire du gouvernement.
- En outre, le Défenseur des droits ne connaît pas le principe hiérarchique. Il « ne reçoit dans l’exercice de ses attributions aucune instruction ».
- Le regroupement des quatre AAI peut s’analyser comme une volonté d’unicité du Défenseur des droits, présidé par lui-seul. Il peut tout de même être « assisté par un collège pour l’exercice de certaines de ses attributions ».
- S’agissant des adjoints, le Conseil constitutionnel a estimé que leur nomination prise par le Premier ministre sur proposition du Défenseur des droits, était de nature à assurer à ce dernier son indépendance. En effet, la situation de quasi-subordination des adjoints, autorités non prévues par la Constitution, contribue à renforcer l’indépendance du Défenseur des droits.
- Depuis les dernières années, l’on assiste à une rationalisation des méthodes de travail de l’AAI. Des réorganisations internes ont été entreprises, des moyens relevant de l’administration générale ont été mutualisés. La rationalisation renforce l’indépendance de l’AAI. Des efforts sont encore à faire, par exemple, dans la promotion de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes au sein de l’institution.
Comme toute AAI, le Défenseur des droits présente des limites. Si le Défenseur des droits apparaît comme un véritable contre-pouvoir, cela ne l’empêche pas de connaître quelques limites institutionnelles. Ceci peut réduire son influence.
II. Le Défenseur des droits : un quatrième pouvoir fragilisé par ses liens de dépendance au pouvoir exécutif
En dépit des avancées statutaires, le Défenseur des droits présente encore des insuffisances statutaires pour apparaître comme un contre-pouvoir absolu (A). L’AAI ne peut être qualifiée de quatrième pouvoir total, si tant est qu’elle reste dépendante budgétairement au pouvoir exécutif (B).
A. Quelques insuffisances statutaires de l’AAI : un obstacle à l’exercice d’un quatrième pouvoir par le Défenseur des droits
- Il est regrettable que les libertés et les droits fondamentaux soient défendus en France mais qu’en même temps, les instruments juridiques aménagés en vue de leur sauvegarde ne soient pas dotés de la même dignité constitutionnelle.
- Une consécration de cette AAI au rang constitutionnel aurait permis d’affirmer son autonomie à l’égard du pouvoir exécutif. Certains estiment que la qualification d’« autorité constitutionnelle indépendante » du Défenseur des droits doit s’entendre « comme de pure façade et n’emportant aucune conséquence ».
- En 2008, le Comité Balladur proposait l’instauration d’un Défenseur des droits « élu pour un mandat de six ans, non renouvelable, par l’Assemblée nationale statuant à la majorité des trois-cinquièmes ». Cette proposition n’a jamais été suivie. Le Conseil constitutionnel ne s’est jamais interrogé dessus.
- Au contraire, le Conseil constitutionnel a validé implicitement cette nomination en vertu de l'article 71-4 alinéa 4 de la Constitution, qui prévoit que « le Défenseur des droits est nommé par le Président de la République pour un mandat de six ans non renouvelable », pris en Conseil des ministres. L’immixtion de l’exécutif est présente. C’est une conception « présidentialiste » qui est retenue par la Constitution et la loi organique. D’aucuns diront qu’aucune critique n’est à émettre puisque ces dispositions existent déjà au sein de la Constitution.
- En période de cohabitation, la nomination pose davantage problème. La désignation peut être conflictuelle. Le Président de la République et le Premier ministre peuvent ne pas s’accorder, au point que le poste de Défenseur des droits peut rester vacant.
- Certes, le Parlement détient un droit de veto mais il ne s’applique que dans des circonstances exceptionnelles. La personnalité choisie est auditionnée par la commission des lois de chacune des deux chambres. A l’issue des délibérations, est organisé un vote qui peut conduire à la majorité qualifiée des trois cinquièmes des voix au rejet de la candidature. C’est une situation qui se présente rarement. D’aucuns considèrent ce dispositif comme un leurre.
- S’agissant de leur immunité pénale, le Défenseur des droits n’est protégé que pour les opinions que lui et ses adjoints émettent et pour les actes accomplis dans l’exercice de leurs fonctions. De plus, l'immunité pénale ne les protège pas en cas de violation des secrets protégés par la loi et de la protection de la vie privée.
- Or, le manque d’immunité pénale peut apparaître problématique au regard des missions même du Défenseur des droits, qui, afin de protéger des droits fondamentaux, peut paradoxalement avoir recours à des procédés violant d’autres droits fondamentaux. Ne serait-ce pas un frein à son efficacité ? Ou une façon de ne pas le rendre irresponsable de tout ? Avoir une épée de damoclès sur sa tête peut l’amener à se censurer.
Les défaillances au niveau statutaire du Défenseur des droits ne lui permettent pas de s’affirmer comme un contre-pouvoir absolu au pouvoir exécutif. Le Défenseur l’est encore moins du fait de sa dépendance budgétaire au Gouvernement. L’argent, c’est la liberté monnayée. Or, ce n’est pas le cas pour le Défenseur des droits.
B. La relative autonomie budgétaire du Défenseur des droits : un obstacle à l’indépendance totale du quatrième pouvoir
- La qualité de pouvoir public constitutionnel aurait permis d’appliquer à une telle institution le principe d’autonomie budgétaire et financière. Ce n’est pas le cas pour le Défenseur des droits. Ceci peut s’expliquer par la volonté du législateur de ne pas accorder trop de pouvoirs au Défenseur des droits en lui donnant une pleine autonomie en matière de finances publiques. La compétence financière est un levier efficace pour imposer des choix de politique. Une autre raison, moins politicienne, serait celle d’assurer l’efficacité budgétaire des missions du Défenseur des droits. La question du manque d’indépendance de cette AAI à l’égard du pouvoir exécutif resurgit.
- Or, au vu des missions, l’élévation du Défenseur des droits au rang de pouvoir public constitutionnel se justifierait. Il reste qu’un contrôle a priori s’effectuerait toujours. En effet, depuis la loi de finances pour l’année 2002, les organes de la mission « Pouvoirs publics » sont soumis à l’obligation de fournir des annexes explicatives dans lesquelles sont détaillées les crédits demandés.
- Tant que le Défenseur des droits ne dispose pas d’une personnalité juridique, alors l’AAI ne sortira pas du budget prévu par l’Etat. Un avis sénatorial préconise la sortie du budget de l’Etat. Cette solution n’a peut-être pas été adoptée, car elle pourrait entraîner le risque d’une perte de moyens pour le Défenseur des droits. Autre argument, la nature même de l’AAI relative à la défense des droits et des libertés et le caractère gratuit de la saisine du Défenseur des droits, n’apparaît pas compatible avec la perception de droits ou de taxes.
- Outre l’indépendance que cela lui donnerait, le Défenseur des droits aurait un réel avantage juridique et financier.
- Cependant, si la consécration d’une autonomie budgétaire a été prévue par l’article 10 de la loi ordinaire de 2011, il reste que le périmètre de cette autonomie demeure incertain.
- De même, par l’adoption du d’autonomie, il n’y a pas eu de consensus pour savoir s’il s’agissait d’assouplir le fonctionnement du Défenseur des droits ou de lui accorder une authentique liberté. En tout cas, il est accordé au Défenseur des droits la possibilité d’individualiser ses crédits. Ce qui induit une responsabilisation des gestionnaires eu égard aux buts recherchés.
- En définitive, le Défenseur des droits ne dispose que d’un pouvoir de proposition de son budget. Il ne faut toutefois pas estimer ce pouvoir, pouvoir qui peut infléchir le vote de la LOLF. « L’expérience prouve qu’une très faible part (de l’ordre du millième) des opérations inscrites au budget est ensuite modifiée à l’occasion de la discussion et du vote ».