Question 1 : Peut-on dire que le Parlement dispose d’un pouvoir important en matière de loi de finances ?
On aurait bien voulu que la réponse soit positive. Puisque selon les termes de Didier Migaud, la LOLF aurait constitué une révolution budgétaire, notamment en renforçant le rôle des parlementaires. Analysons d’abord quelques éléments qui vont en ce sens. Puis, nuançons le pouvoir de contrôle du Parlement.
Tout d’abord, il faut mentionner un apport majeur avec la LOLF : il s’agit du débat d’orientation budgétaire. Le DOB une pratique coutumière sous la présidence Chirac, qui s’est imposée en droit des finances publiques. Après que l’exécutif a établi son PLF et qu’il veut le soumettre au Parlement, celui-ci dispose d’un droit de regard au cours du deuxième trimestre de l’année civile. Il permet notamment d’examiner les GOPE de l’UE. Le Parlement joue aussi un rôle actif pour éliminer les cavaliers sociaux (PLFSS) et les cavaliers budgétaires (PLF) qui émanent de l’exécutif. Ainsi, le parlement joue par principe un rôle de contrôle, car doit respecter la volonté du peuple (Art 15 DDHC, droit de regard des administrés). On voit ainsi que s’effectue pendant tout le processus un chaînage vertueux, car l’examen du PLF tient compteàlafois desannées précédentes, de celle en cours et à venir.
De plus, le Parlement effectue également un rôle majeur pour établir un bilan de l’efficience de la LF. Notamment grâceaux LFR. En effet, celle-ci est rétrospective, c’est-à-dire qu'elle veilleà ce que le pouvoir exécutif ait bien respecté ses autorisations budgétaires. La loi de règlement constitue ainsi un acte de clôture, de régularisation et d’approbation des comptes de l’Etat. On voitainsi que s’effectue un apurement législatif des comptes budgétaires de l’Etat. Ce contrôle est à relier au principe de sincérité budgétaire.
Cependant, le rôle du Parlement est tempéré par la marge de manœuvre accordée à l’exécutif. Ne serait-ce dans le PLF qui est l'œuvre du travail du gouvernement en amont, pendant une durée d’environ 9 mois. En effet, s’effectue des arbitrages qui s’apparenteà des tractations politiques. Le parlement n’a pas son mot à dire. De plus, ces PLF sont l'œuvre des GOPE, feuille de route de l’UE. Et il apparaîtra difficile que le Parlement s’opposeàla volonté de l’exécutif de ne que vouloir transposer le droit de l’UE. De surcroît, comme le mentionnait Christian Pierret dans son texte Le parlement et la fiscalité, en cas de concordance de majorité, le Parlement va rarement faire opposition. Et même s’il ne respectait pas les délais d’examen, alors le gouvernement a le droit de mettre en œuvre son PLF par voie d’ordonnance (Art 47 C°).
De plus, comme le mentionnait Roger Chinaud dans son texte Loi de finances : quelle marge de manœuvre pour le Parlement ? les modifications entre le PLF et l’adoption de la LF sont en réalité minimes. En effet, la capacité de modifier substantiellement un PLF est faible (art 40 C° sur la diminution ou création des charges publiques). Quand le Parlement intervient, les choix budgétaires sont déjà arrêtés. Il n’est pourtant pas question de cantonner le Parlement à un rôle secondaire. Et c’est pourquoi Jean Arthuis proposait dans son texte sur La dégradation des FP : la loi en échec le contrôle et l’évaluation en cours que pour contrer les délais courts imposés pour l’examen parlementaire, il serait louable de revaloriser le rôle de la Commission de Finances de chaque Assemblée dans la procédure fiscale. L’article 40 ne doit pas empêcher les parlementaires d’avoir un réel impact. Comme le mentionnait Alain Lambert, père de la LOLF en 2013 : “la LOLF a échoué. C’est une rolls mais sur un chemin de terre”. Elle est donc efficace sur le papier, mais doit encore être améliorée.
Question 2 : Le principe d’équilibre budgétaire joue-t-il un rôle en droit des finances publiques ?
Dans la perspective de performance amenée avec la LOLF, les PLF doivent être présentés et être exécutés en équilibre. Mais dans la pratique, ne serait-ce que pour des questions de gestion, il est admis de nombreuses dérogations par la puissance publique. En effet, celles-ci ne contreviennent pas à l’équilibre budgétaire. Cette évolution est historique : d’abord le Parlement a joué un rôle majeur en prônant un Etat-gendarme et des comptes équilibrés, car cela répondait aux exigences des administrés. Ensuite, depuis l’intervention de l’Etat-providence, l’Etat n’hésite pas àrecourirà l’emprunt pour financer ses dépenses publiques. L’équilibre budgétaire apparaît ainsi délicat dans son application. Cependant, il a été remis en cause la pensée keynésienne avec la LOLF, jugée inefficace, et l’on assiste à la résurgence de règles néolibérales en matière monétaire et budgétaire.
Une observation pratique s’impose : le budget de l’Etat français est en déficit croissant depuis les années 1970. Le dernier en date est celui de 1973. Il se peut que l’accumulation de la dette s’explique par l’adoption du modèle de l'État-providence. La loi d’Adolph Wagner tend à démontrer que nos dépenses publiques justifient une croissance continue des dépenses publiques. Le déficit budgétaire est même parfois vu comme une vertu, tel un instrument budgétaire. Faut-il aussi observer que le droit des finances publiques n’est pas que l'œuvre de la puissance publique. Comme l’a montré Yves Surel dans son texte Qui gouverne l’économie ? d’autres acteurs publics, comme les firmes, les groupes d’intérêt ou les think tanks exercent une véritable pression pour engager certains crédits.
Juridiquement, que ce soit l’ordonnance de 1959 ou la LOLF, celles-ci sont peu contraignantes. Alors même que le Traité de Maastricht de 1992 a dégagé les critères de convergence. Comme l’a démontré Jacques Buisson dans Impôt et souveraineté, l’Etat français a certes consenti aux transferts de certaines de ses compétences et notamment fiscales, mais comme l’Etat conserve la compétence de sa compétence, il n’hésite pas à dérogerau droit de l’UE. On voit que larègle pacta sunt servanda issue du DIP n’est pas appliquée toujours. S’ajoute aussi les dérogations possibles, comme par exemple les débudgétisations, c’est-à-dire la possibilité de combler un déficit, mais ces débudgétisations sont artificielles, car elles ne font pas disparaître les charges. Mais depuis une révision constitutionnelle de 2008, il a été inscrit l’objectif d’équilibre des comptes publics (art 34 C°).
L’actualité de la crise du COVID-19 nous démontre que même les libéraux admettent de recourirà
des plans de relance. Les fléchages initiaux des crédits sont souvent augmentés. En cela, ces
politiques de relance contreviennent à l’idée du “bon usage des deniers publics”, ce qui est justifié
pour des questions d’intérêt général. La politique libérale du New public management n’est donc
pas appliquée strictement. Ce qu’a pu dénoncer Didier Migaud, l’autre père fondateur de la LOLF
: “Il faut bien constater que tous les objectifs ne sont pas atteints et que cela suscite de la frustration. La
mise en œuvre de la LOLF crée de la déception pour les pères de la LOLF”.