Selon Kenneth Boulding (1910-1993), économiste et ex-président de l’Association américaine d’économie, « Celui qui croit qu’une croissance infinie peut continuer indéfiniment dans un monde fini est un fou ou un économiste ». Cette citation prend d’autant plus son sens au XXIe siècle. À l’aube de l’épuisement des énergies fossiles annoncé par de nombreuses organisations internationales, d’autres économistes croient toujours en la possibilité d’assister à une croissance infinie dans un monde fini, à la condition toutefois de changer radicalement de paradigme économique. Conscient de la contrainte environnementale, les États tentent de mettre en place de nouvelles politiques économiques pour amorcer la transition écologique. Assurer un modèle de développement durable qui renouvelle les façons de consommer, de produire et de travailler, constitue l’un des grands enjeux de notre temps.
La nature a été prise en considération dès les premiers travaux sur la croissance, en témoigne par exemple l’ouvrage de David Ricardo Des principes de l’économie et de l’impôt paru en 1817. Avec la Révolution industrielle, la prise en compte de la nature a eu tendance à perdre en importance. Dans les années 1970, les enjeux environnementaux ont resurgi avec les crises pétrolières de 1973 et 1979, lesquelles ont fait prendre conscience que le capital naturel n’est pas illimité, mais aussi en raison du rythme de la croissance économique qui tendait à s'essouffler. Par la suite, la montée en puissance des pays émergents n’a fait qu’accroître l’aggravation de l’état environnemental de la planète. Le sujet de la transition écologique est plus que jamais d’actualité. Plusieurs rapports, tels que The entropy law and the economic process de 1971 de Nicholas Georgescu-Roegen ou le Rapport Meadows de 1972, ont alerté sur l'incompatibilité de la croissance économique avec la protection de l’environnement. La croissance économique pourrait se définir comme une augmentation soutenue durant une période longue de la production d’un pays. Économiquement, l’environnement est l’ensemble des ressources naturelles qui constituent un facteur contribuant à la production des richesses et au bien-être des agents économiques. Or, la seule poursuite de la croissance économique sans tenir compte de l’environnement risque de condamner à terme l’état de la planète. Partant, l’environnement est une variable nécessaire et indispensable à la croissance économique. Cette dernière devra notamment être soutenue par la puissance publique. En tant que territoire délimité par des frontières et régi par des lois qui lui sont propres, l’État agit sur le plan économique au travers de différents leviers, tels que la politique budgétaire et la politique monétaire. Son Gouvernement se fonde alors sur l’observation d’outils statistiques, comme le taux de croissance du PIB ou le taux d’inflation. Avec les enjeux environnementaux qui s’annoncent, l’intervention de l’État se justifie d’autant plus par l’encadrement du marché. Il en ira historiquement de l’avenir des générations futures et de la croissance économique. Géographiquement, aucun continent n’échappera au dérèglement climatique. De surcroît, certains économistes de l’économie expérimentale tels que le prix Nobel Daniel Kahneman considèrent les agents économiques comme des êtres irrationnels incapables de s’auto-réguler, en ce sens que leurs choix de consommation sont effectués sans considération de la dette écologique qu’ils engendrent. Par son intervention constante, l'État pourrait être un acteur indispensable en érigeant la préservation de l’environnement en condition préalable et obligatoire au développement de l’activité économique. En cela, l’objectif de la croissance économique serait maintenu, avec les effets bénéfiques qui en découleraient. Relever le défi de mener une croissance verte s’inscrit par conséquent dans le cadre d’une politique de développement durable bénéfique à tous les agents économiques.
Quel rôle l’État doit-il jouer pour assurer une croissance verte tout en parvenant à concilier la croissance économique et la protection de l’environnement ?
À l’aube d’un dérèglement climatique préoccupant dans le monde entier et pour l’avenir, l’État prend conscience de la nécessité de repenser la croissance économique en considérant dorénavant les pressions environnementales. À long terme, la puissance publique pourra ainsi mener diverses stratégies pour concilier croissance économique et environnement.
I. La prise de conscience par l'État des enjeux environnementaux et de la désuétude du modèle actuel de la croissance économique
À la vue des enjeux environnementaux qui s’annoncent, il est impératif pour la puissance publique de reconsidérer les modes de production et la mesure de la croissance économique.
A. De la nécessité pour l'État à reconsidérer l’exploitation des ressources
1. L’exploitation des ressources traditionnelles : un modèle non viable à long terme
Les externalités liées au modèle productiviste ont une influence négative à la fois sur l’environnement et la croissance économique. Elles contribuent à la rendre insoutenable à long terme.
Par le passé, les États ont favorisé une industrie fondée sur l’exploitation des énergies fossiles, ce qui a conduit à la raréfaction des ressources naturelles. Avec la mondialisation, les liens d’interdépendance entre les États se sont accrus. Bon nombre d’entre eux ont fondé leur modèle sur la théorie des avantages comparatifs développée par David Ricardo. Parmi les monarchies du Golfe qui se sont spécialisées dans l’exploitation pétrolière, l’Arabie Saoudite est le deuxième producteur mondial. L’exploitation des ressources traditionnelles contribue à réduire le capital naturel mondial. Calculé par l’ONG Global Footprint Network, le jour de dépassement est systématiquement atteint avant la fin de l’année. Cette année, il a été dépassé le 22 août. Ne plus disposer de capital naturel empêchera les entreprises de produire. De plus, les consommateurs peuvent anticiper une hausse du prix et l’épuisement des ressources, ce qui va influer sur la courbe de la demande. L’épuisement de ces ressources constitue donc à terme un frein à la croissance économique.
De surcroît, la mauvaise utilisation des énergies traditionnelles conduit souvent à la dégradation de l’environnement. Or, une mauvaise qualité des biens ou ressources peut faire diminuer la demande. Les modifications des préférences changent la courbe de demande, ce qui est négatif pour la croissance économique. Par exemple, la pollution des eaux potables est causée par l’exploitation d’hydrocarbures. Les eaux polluées ne peuvent pas être commercialisées sur le marché pour des raisons sanitaires. À cela s'ajoutent des catastrophes industrielles telles que l’explosion de l’usine chimique à Toulouse en 2001, dont les dégâts matériaux ont été estimés à deux milliards d’euros. Ces catastrophes d’origine humaine ont pour conséquence l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre.
Si l’exploitation des ressources fossiles est une menace pour l’environnement, des énergies plus respectueuses de l’environnement peuvent constituer une solution d’avenir pour les États.
2. La pertinence de l’échelle étatique pour reconsidérer les ressources naturelles
L’État fait partie des meilleurs agents économiques pour s’occuper des préoccupations environnementales. Il corrige certaines défaillances du marché. L’État constitue un rempart aux actions des autres agents économiques qui ne sont pas totalement rationnels. Comme l’a démontré le prix Nobel Jean Tirole, les agents économiques ne sont pas de purs homo oeconomicus. Des entreprises se comportent tels des passagers clandestins, c’est-à-dire qu’ils bénéficient de ressources tels que les biens de nature communale mais ne les paient pas ou les sous-paient. Sans intervention de l’État, les biens naturels sont sur-utilisés et dégradés. Quand bien même les entreprises seraient rationnelles, le marché aboutirait à une situation de perdant-perdant. C’est ce que tend à démontrer la théorie de la tragédie des biens communs développée par Garrett Hardin.
En partant du postulat que l’État est compétent pour assurer la transition écologique, ce dernier a tout intérêt à investir dans ces énergies. Les énergies vertes seraient une solution d’avenir pour relancer la croissance économique. Les énergies renouvelables ont un caractère inépuisable. Elles sont économiquement intéressantes car l’État peut les exploiter sans risque d’épuisement. Par exemple, le soleil constitue une matière première consommée gratuitement, inépuisable et, surtout, disponible partout dans le monde. En revanche, certaines énergies propres posent problème. Par exemple, bien que le nucléaire soit stable, émette peu de gaz à effet de serre et soit économiquement rentable pour bon nombre d'États qui l’utilisent, le nucléaire présente le défaut d’être générateur de déchets radioactifs. À cela s’ajoutent les éventuels coûts qu’engendrent les accidents nucléaires. Citons à cet égard le coût de contamination de l’eau causé par l’accident nucléaire de Fukushima, estimé à environ 188,5 milliards d’euros.
Revoir l’exploitation de ses ressources doit également amener l’État à repenser la mesure de la croissance économique.
B. La nécessité pour l’État de repenser la mesure de la croissance économique
1. Le PIB : un indicateur imparfait excluant la variable environnementale
Développé par le prix Nobel Simon Kuznets, le PIB est un indicateur usuel de l’activité économique en tant qu’indicateur de la croissance économique. Égal à la somme des valeurs ajoutées brutes réalisées par les agents résidents, augmentée de la TVA et des droits de douane, déduction faite des subventions sur les produits, le PIB a le défaut de ne pas prendre en compte la variable environnementale dans sa méthode de calcul.
Incomplet, l’un de ses défauts est de ne pas comptabiliser son coût sanitaire. Certes, l’exclusion de la variable environnementale a pour effet de donner l’apparence d’une croissance plus élevée. En réalité, croissance économique et environnement sont étroitement liés. La pollution de l’air est un coût de production à part entière. Par exemple, une mauvaise qualité de l’air diminue les rendements agricoles. Ne pas l’intégrer dans le calcul du PIB ne donne pas une véritable idée de la prospérité d’un État. En 2019, les États-Unis étaient les premiers du classement en atteignant 21,345 milliards de dollars de PIB alors qu’ils étaient le deuxième émetteur de CO2 avec 5,269 tonnes.
Pire, l’indicateur comptabilise également les dépenses dites « défensives ». Dénoncé par Serge Latouche, elles viennent accroître le PIB alors que celles-ci ne font que réparer les dégâts causés par d’autres activités productives. Par exemple, les dépenses de dépollution constituent un facteur d’accroissement du PIB. Or, économiquement, ces dépenses paraissent dépourvues d’intérêt à long terme puisqu’elles ne font qu’augmenter d’années en années. Certains économistes proposent ainsi de considérer les dépenses défensives comme des consommations intermédiaires et non des produits finaux ajoutés au PIB.
Si le PIB est un indicateur imparfait qui exclut la variable environnementale, des alternatives au PIB existent afin de mieux mesurer celle-ci et la croissance économique.
2. Des indicateurs alternatifs au PIB pour mieux mesurer la croissance économique
Des économistes ont tenté d’élaborer des indicateurs économiques alternatifs au PIB afin de mieux mesurer la production réelle de la richesse. En 2009, la Commission Stiglitz-Sen-Fitoussi a proposé un changement complet des méthodes de calcul des richesses des pays en se fondant notamment sur des exigences environnementales. Une multitude d’indicateurs alternatifs au PIB existent.
L’on peut citer l’inclusive wealth index (IWI) qui a été théorisé en 2012 dans un rapport des Nations Unies. L’IWI se propose d’être un correctif du PIB. Il est une sorte de PIB vert qui intègre le capital naturel, c’est-à-dire qu’il prend en compte la consommation des ressources naturelles. Exprimant le véritable niveau de richesse d’un État, cet indicateur pourrait amener à une nouvelle forme de concurrence entre les États afin d’être les « meilleures élèves » de l’écologie. Selon le Programme des Nations Unies pour l’Environnement, entre 1990 à 2008, la Chine et les États-Unis affichaient respectivement une croissance économique de 442% et de 37%. Avec l’IWI, ces deux pays ne connaissent que 45% et 13% de croissance économique.
Davantage connue, l’empreinte écologique permet de déterminer la soutenabilité. Elle a pour objectif de quantifier les besoins humains en hectares globaux par rapport aux capacités de la Terre à y répondre en hectares disponibles. Le dépassement des capacités de la Terre indique que les ressources naturelles ne sont plus en mesure de se renouveler, ce qui implique leur dégradation, leur raréfaction voire leur disparition. Selon l’ONG Global Footprint Network, la France a fait partie en 2019 des pays les plus pollueurs en ressources car il aurait fallu 2,9 planètes si toute la population mondiale vivait comme les Français.
Une fois que l’État aura pris conscience des préoccupations environnementales et de la désuétude du modèle de la croissance économique actuelle, de nouvelles stratégies doivent être envisagées pour parvenir à concilier croissance économique et environnement.
II. Les stratégies de l’État pour atteindre l’objectif d’une croissance verte
En mettant en place des instruments de politique climatique, les agents économiques seront en mesure d’atteindre l’objectif d’une croissance verte.
A. L’intervention de l’État par la mise en place d’instruments de politique climatique
1. La participation de l’État à l’encadrement du marché
Selon la Loi de Wagner, « plus la société se civilise, plus l’État est dispendieux ». La croissance économique implique la mise en place d’infrastructures financées par l’État et des contrôles de réglementations.
L'État peut intervenir de manière contraignante dans l’encadrement du marché par la réglementation. Cette dernière a un effet désincitatif pour les agents économiques. La réglementation environnementale constitue un ensemble de normes qui limitent voire interdisent les comportements pouvant nuire à l’environnement. La France applique le principe du pollueur-payeur, qui a pour objectif de lutter contre les pollutions volontaires ou non résultant de l’activité humaine. Il se traduit par le prononcé de sanctions telles que le versement de dommages et intérêts suite à un procès perdu. Pour illustration, dans sa décision du 10 juillet 2020 Pollution de l’air, le Conseil d’État a ordonné au Gouvernement de prendre des mesures pour réduire la pollution de l’air sous astreinte de 10 millions d’euros par semestre de retard.
Par ailleurs, sans passer par la réglementation, l’État peut intervenir avec le système de marché de quotas d’émissions de CO2. Mis en place en 2005 au niveau de l’UE, les États délivrent aux entreprises des quotas de droits à polluer qui reposent sur la fixation d’un plafond d’émissions de gaz à effet de serre. Le prix Nobel Ronald Coase propose une solution qui serait de donner une valeur marchande au capital naturel, ce qui aurait pour effet de faire émerger un prix fonction de l’offre et de la demande. Les quotas d’émissions présentent l’avantage d'afficher le niveau d’émission toléré par unité produite ou consommée mais l’inconvénient de permettre aux entreprises de vendre leurs quotas non utilisés à d’autres entreprises. Pire, certaines entreprises fraudent en ne disposant pas d’autorisation pour gérer leur vente de CO2. Tel était par exemple le cas avec la bourse de l’environnement Bluenext en 2013.
Outre l’encadrement du marché, l’État peut aussi mettre en place des instruments fiscaux incitatifs.
2. Des instruments fiscaux incitatifs : la taxation environnementale
La taxation est un outil consistant à imposer une taxe à des agents économiques dont l’activité nuirait à l’environnement. Incitatives, les taxes environnementales conduiraient les agents économiques à réduire leur niveau de pollution jusqu’au point où le coût marginal de dépollution serait égal au prix de la taxe. Développée dans The economics of Welfare en 1920, la taxe Pigou a pour objectif d’inciter les entreprises à réduire leur production à moyen et long terme en ajoutant un coût au producteur afin que celui-ci prenne en compte le niveau de pollution. La taxe Pigou est un arbitrage entre le coût de dépollution et le paiement de la taxe dans l’hypothèse où les agents économiques polluent. Elle permet de corriger les défaillances du marché en passant de l’optimum privé à l’optimum social.
D’une part, la taxe peut être un bonus, c’est-à-dire qu’elle vise à inciter les agents économiques à modifier leurs comportements. Une telle taxe aspire à une généralisation de la performance environnementale. Par exemple, l’État français a relancé le 1er janvier 2020 et renforcé le 1er octobre le dispositif MaPrimeRenov’ (anciennement CITE - crédit d’impôt pour la transition énergétique) en consacrant 740 millions d’euros. MaPrimeRenov’ est une prime pour le financement de la rénovation énergétique dans les résidences principales. Désormais accessible à tous les propriétaires et à toutes les copropriétés, cette prime s’inscrit pleinement dans la politique de développement durable menée par l’État.
D’autre part, la taxe peut être un malus pour les agents, c’est-à-dire qu’elle les dissuade d’agir et, le cas échéant, les punit. Par exemple, en 2018, la taxe carbone a permis d’éviter près de quatre millions de tonnes de CO2 en France. Elle a pour effet d’augmenter le signal prix en direction des acheteurs de combustibles fossiles. Ainsi, la taxe carbone conduit les agents économiques à réduire leur niveau de pollution jusqu’au point où le coût marginal de dépollution est égal au prix de la taxe.
La mise en place d’instruments stratégiques sur le marché doit s’accompagner d’une intervention étatique renforcée afin de favoriser une croissance verte.
B. L’intervention de l’État en tant qu’acteur principal de la croissance verte
1. L’incitation faite aux entreprises à innover au regard des normes environnementales
Selon Joseph Schumpeter, les innovations permettent des périodes d’expansion économique, grâce à ce qu’il nomme la « destruction créatrice ». D’après l’auteur, le capitalisme ne peut se développer sans un environnement institutionnel. L’innovation par la croissance pourrait être une solution pour décarboner les économies. Pour favoriser le processus de destruction créatrice et les grappes d’innovations, la puissance publique pourrait accorder des subventions aux entrepreneurs. Adopter un modèle de production vert est à terme moins coûteux aux innovateurs plutôt que de se voir sanctionner par des amendes. Du fait du progrès technique et grâce aux aides d’État, les entrepreneurs seraient en mesure d’investir et de créer de nouveaux espaces de production, tandis que d’autres espaces plus polluants disparaîtraient. Par exemple, l’État a développé le Fonds Chaleur de l’Agence de la transition écologique (ADEME) permettant le développement de la production renouvelable de la chaleur. Il s’agit d’une innovation respectueuse des normes environnementales. Grâce à cette aide d’État, l’ADEME ambitionne d’atteindre 23% d’énergies renouvelables fin 2020.
Par ailleurs, l’État peut exercer un contrôle accru sur les innovations. Sur le marché de la commande publique, l’État intervient directement en passant des contrats avec des acteurs privés ou publics. Ainsi, l’État a une mainmise sur le développement économique d’un secteur donné et veille à ce que des innovations ne dégradent pas l’environnement. Par exemple, en 2017, la filiale d’EDF Citelum a mis au point une plateforme expérimentale d’éclairage public afin d’accompagner les collectivités locales dans leur projet de rénovation des luminaires vieillissants et trop polluants. L’intervention de la puissance publique sur le marché est d’autant plus intéressante car elle-même est contrainte de respecter des normes juridiques telles que la Charte de l’environnement de 2004 inscrite dans la Constitution. La violation des principes constitutionnels peut conduire à engager sa responsabilité devant le Conseil constitutionnel.
L’incitation faite aux entreprises d’innover au regard des normes environnementales gagnerait encore davantage en efficacité si elle se combinait avec une coopération internationale entre les États.
2. La nécessaire coopération internationale entre États pour mener la croissance verte
Les politiques climatiques doivent transcender les politiques nationales. Isolées, elles présentent peu d’intérêt pour la protection globale de l’environnement. L’économie du bien commun développée par Jean Tirole montre que les fuites de carbone empêchent que les décisions soient prises uniquement à l’échelle nationale. Afin de basculer vers une économie durable, le rapport Stratégie pour une croissance verte de l’OCDE de 2011 propose aux États des outils pour favoriser une production verte. Il s’agit par exemple de la création d’emplois par une utilisation plus durable des ressources naturelles, des gains d’efficience dans la consommation d’énergie ou la valorisation des services écosystémiques.
Les accords environnementaux multilatéraux (AEM) constituent un moyen juridique pour faire face aux problématiques environnementales en imposant des actions particulières aux signataires. Aujourd’hui, plus de 250 AEM sont en vigueur. L’un des plus célèbres AEM est le Protocole de Kyoto de 1997. Les États signataires ont globalement atteint leur objectif de réduire d’au moins 5% leurs émissions de gaz à effet de serre. Cependant, les AEM présentent l’inconvénient de ne pas prévoir de mécanisme de sanction en cas d’inexécution. Les États peuvent être incités à ne pas respecter leurs engagements conventionnels. Comme l’a évoqué Albert Tucker avec le dilemme du prisonnier, ceux qui coopèrent sont fortement pénalisés par les trahisons des autres signataires. Les AEM s’avèrent inefficaces si leurs signataires ne se coordonnent pas.
La coopération internationale devrait s’accompagner de nouvelles règles ainsi que de l’exercice d’organes de contrôle. Sous la pression d’un contrôle de conformité, les agents économiques seraient incités à respecter leurs engagements. Pour illustration, les objectifs de l’accord de Marrakech de 1994 consistent d’une part à maintenir un système commercial multilatéral ouvert et, d’autre part, à œuvrer en faveur de la protection de l’environnement. Disposant d’un organe de règlement des différends, l’OMC peut ainsi sanctionner pécuniairement les États qui ne respecteraient pas l’engagement de Marrakech.
En définitive, concilier croissance économique et préservation de l’environnement est tout à fait possible, si tant est que les États renouvellent leur conception actuelle de la croissance et mettent en œuvre de nouvelles stratégies pour réaliser la transition écologique. Partant, croissance économique et environnement ne sont donc pas antinomiques.
Néanmoins, d’aucuns restent sceptiques quant à l’efficacité du modèle de la croissance verte uniquement mené par les États. L’échec de l’accord de la COP21 démontre que des progrès ont encore à être réalisés. Augustin Landier et David Thesmar soutiennent dans leur ouvrage La société translucide. Pour en finir avec le mythe de l’État bienveillant paru en 2010 que l’intervention de l’État est encore insuffisante. Afin de protéger l’environnement, il est possible de se demander s’il serait préférable de basculer vers une économie de biens communs voire de biens publics purs, et si la transition écologique pourrait être menée par d’autres agents économiques tels que les petites communautés définies par Elinor Ostrom, la prise en compte effective de la sensibilisation des économistes comme Nordhaus ou Romer ou le rôle de chaque consommateur, qui est aussi un électeur.